lundi 31 décembre 2012

Manipulés #1



Cadeau ! En cette fin d'année 2012, j'ai eu envie de vous offrir une nouvelle écrite il y a déjà un an, et qui attend dans un tiroir (numérique) d'être enfin dévoilée. 

Voici donc la première partie, rendez-vous 2 fois par semaine pour une publication complète... 

Bises à tous, et meilleurs vœux pour cette année 2013, puisse-t-elle être riche et voir la réalisation de vos souhaits ! 

Amitiés

Valérie

MANIPULES

Tel un fauve, je tourne depuis un moment autour de mon ordinateur, lui jetant des regards furieux. Je suis prêt à lui bondir dessus pour à le massacrer. Passer ma colère contre lui est pourtant stupide, cela ne changera rien.

Oh et puis merde, ras-le-bol de me cogner aux murs, rongé par l’angoisse et l’incompréhension depuis hier, il faut que je fasse quelque chose. Je m’assois devant mon PC, je clique, descends dans l’arborescence jusqu’à y trouver le bon dossier. Je l’ouvre, sélectionne tous les fichiers, une bonne vingtaine, puis approche le pointeur du bouton « supprimer ». Si ce projet est nul, si elle n’aime pas, autant le jeter. J’hésite un instant, ferme les yeux, remonte un an en arrière.

Un vernissage. Invité par un ami, je ne connais personne sauf lui. Les tableaux exposés ne me plaisent pas. Une violence lourde en émane, comme si le peintre n’aimait pas ses sujets. Des lieux divers, usines, aéroports, rues de grandes métropoles… s’étalent sur les toiles qui n’expriment que de la haine, du dégout. Comme cet artiste qui pérore autour de ses œuvres, je n’aime pas le monde d’aujourd’hui. Mais le montrer de cette façon brutale ne fait pas avancer les choses.

Une bourgeoise couverte de bijoux m’aborde :
- quelle merveille n’est-ce pas ? Cette richesse dans l’expression, cette utilisation des couleurs…
- Oui en effet.
Elle n’a rien compris. Du moment que c’est exposé, elle considère que c’est bien. Pour couper court, je me retourne et aperçois alors mon ami parlant à une femme brune, cheveux longs en boucles sur les épaules, silhouette fine. Elle est vêtue d’une tunique très fendue et d’un legging, laissant deviner le galbe agréable de ses cuisses. Un frisson parcourt mon dos. Mon ami me signe de venir.
- Angela, je te présente Sébastien, dont je t’ai déjà parlé.
Elle me dévisage, souriante. Le frisson nerveux revient.
- Ah oui, cet auteur de haïkus et de textes courts, qui tient aussi une chronique dans un journal.
- Voilà, fait mon ami, rayonnant.
- Il faudra revenir me voir, Sebastián, j’ai un projet à vous proposer. Mardi 17h, ça vous va ?
J’ai l’impression de me faire rentrer dedans. Et ce n’est pas si désagréable que ça.
- Un projet ? Mais je ne peins pas.
- Non, non, c’est un projet dans vos cordes.
- Alors pourquoi pas ? Mardi, très bien.
- Bien ! Venez chez moi, Lotus vous donnera l’adresse.
Lotus ? Ah, c’est comme ça qu’elle désigne mon ami, franco-chinois. Pas très délicat. Il m’entraine en me disant :
- Elle se donne des airs hispanisants, parfois elle porte des châles à franges, mais c’est juste une fleur de nos banlieues ! Ceci dit, tu verras, elle est géniale.

samedi 29 décembre 2012

Extraits #5: Nan Aurousseau



Connaissez-vous Nan Aurousseau ? Son premier livre, Bleu de chauffe, c’était du brut. Presque du sauvage. Ancien taulard, l’auteur y décrivait son retour à la vie « normale » et comment l’écriture l’avait transformé. Quelques livres plus tard, son style s’est affirmé, son écriture est plus maîtrisée mais les idées véhiculées restent rudes.

Dans Quand le mal est fait, un personnage se veut écrivain et nous parle de l’écriture :

« Le roman est quelque chose de vulgaire. C’est les gens du peuple qui ont inventé le roman ».

« Pour écrire il faut être dur, savoir fermer sa porte, comme un ermite, tenir dans la solitude pour la concentration »



lundi 17 décembre 2012

Petits bonheurs de lecture #2



Aujourd'hui, quelques phrases issues de : La bicyclette statique, recueil de nouvelles de Sergi Pàmies aux éditions Jacqueline Chambon




« Ce n’était pas un bon jour pour avoir des pensées suicidaires : c’était une de ces après-midi ensoleillées où, peignée parle froid et le vent, Barcelone semble avoir été dessinée par un optimiste. »
une extraordinaire première phrase de nouvelle: 

«  Pour raconter cette histoire nous aurons besoin de la salle d’attente d’une diététicienne diplômée. »


A propos des souvenirs de parents disparus :

 « tu croyais que c’était un poids dont tu devais te décharger alors qu’en réalité c’était une ancre pour t’empêcher de te perdre ».

Et n'oubliez pas: il faut sauver le chêne adolescent ! 

mardi 11 décembre 2012

Il faut sauver le chêne adolescent



Ou du moins c’est ce qu’ont dit certains lecteurs. Je partage leur avis. Oui mais voilà…

Au printemps, j’ai écrit, beaucoup. J’y ai passé du temps. Puis en automne j’ai lu, relu, corrigé, mis en page… Enfin, depuis un grand mois, comme tout auteur qui se respecte, je me suis occupée de faire la promotion de D’un monde à l’autre. Et dans tout cela, j’ai  négligé nos deux chênes !

Le vieillard se débat toujours contre la maladie et l’insouciante poussée de sève de son rejeton. Antoine a écrit sa lettre aux élus potentiels, et organisé son voyage en Finlande. Voici où nous en sommes.

Que va-t-il se passer maintenant ? Je lance ici un appel solennel à suggestions : qu’imaginez-vous pour la suite ? Donnez-moi via des commentaires vos idées et je les écrirai. Antoine ira-t-il en Finlande ? La stratégie du professeur Hapstein marchera-t-elle ? Le vieux chêne sera-t-il sauvé ? Et le jeune ? Qui a gagné les élections ? Bref, mettez-votre imagination (celle qui manque aux livres du  futur) en marche, donnez-moi des pistes en quelques lignes et nous finirons ensemble cette nouvelle communautaire !

Rappelez-vous, le texte déjà écrit l’a été en sept parties, par 5 contributeurs dont ma plume.

Et voici pour ceux qui ont la mémoire courte la nouvelle à finir « Chêne adolescent » : 



Un peu en retrait du chemin poussait un chêne. Un tronc presque droit, une ramure équilibrée, il avait tout de l’arbre vénérable. A ses côtés, un rejeton avait pris racine. Haut de deux mètres environ, ses rares branches se jetaient farouchement à l’opposé de son grand frère, comme si une force magnétique les repoussait. Cela lui donnait un aspect tordu et grêle, d’un bel effet comique.

Un observateur passant par là un jour de soleil aurait vite compris que le petit arbre recherchait avidement la lumière, absorbée par l’abondant feuillage du chêne dominant. Aucune force de répulsion là dedans !

On pouvait imaginer le jeune blanc-bec pestant en son for intérieur, se demandant quand l’autre crèverait et lui laisserait enfin profiter du soleil et se redresser. Et l’observateur aurait eu envie de lui conseiller de ronger son frein…

Les hôtes, il n'en avait pas manqué pourtant.

Un troubadour, ivre de ses strophes, avait bien livré quelques confessions sur des cahiers aux rythmes de guitare. Il avait presque osé graver les petits noms d'Hélène ou de la Jeanne sur le tronc du vénérable feuillu. Vinrent également de respectables charpentiers songeant à de robustes chevrons, des bûcherons enhardis par le marché du bois de chauffage et même un évêque... Pourquoi un évêque me direz-vous ?

Un projet de création de chapelle dédiée à Sainte Félicie avait cours à cette époque, l'argument majeur semblait se teinter de piété mais le but était bien différent. Il s'agissait de fournir quelques précieux subsides au pauvre diocèse. Après tout, n'y avait-il pas un exemple à Allouville-Bellefosse[1] en Normandie ?

Et le petit chêne, tout tordu, dépossédé de lumière frémissait d'envie à la vue de si augustes personnages. Ce n'est pas sur ces flancs que s'exposeraient les ébauches d'amoureux de passage.

Mais, vint à son tour une dernière visite, sinistre, envahissante, nécrosante pour le bel arbre : la phytophthora ramorum[2]. La maladie s'installa rapidement, infiltrante et pénétrante comme les rayons de soleil de cet automne qui allait s'avérer funeste pour l'un des deux arbres.

Ce furent donc désormais plutôt des spécialistes agricoles, forestiers et pépiniéristes qui défilèrent devant les deux arbres. Il était fascinant de constater comme la maladie semblait les réunir et les prendre tous deux d'une même étreinte. Les troncs, feuillages, branches et écorces des deux arbres portaient les mêmes stigmates : colorations effritantes et crevasses pourrissantes.

Les deux arbres ne semblaient plus se déployer vers le ciel dans des directions opposées mais s'enfoncer ensemble dans le sol d'un même épuisement maladif et des mêmes reflets soufrés. Des photos furent prises, des articles parurent dans la presse locale, puis nationale.

C'est alors qu'on découvrit que le grand arbre avait été planté là par les grands parents paternels de l'un des deux favoris à l'élection présidentielle de 2012 ! Dès lors ce fut une nouvelle vague de visiteurs, journalistes et analystes politiques. Il se produisit une véritable floraison hivernale d'articles sur nos partis politiques, aussi malades que les deux arbres, par le manque de lumière du à la prééminence d'un chef hyper-écrasant et par les crevasses décolorantes dues aux égoïsmes et rivalités permanentes...

Désormais, les deux chênes, unis dans la déchéance de leurs êtres, devinrent les symboles d'une France en crise. Le défilé incessant des candidats souillait la nature encore fraiche à leurs racines.
Les plus véhéments à haranguer les citoyens au pied des deux grands malades étaient les écologistes, armés d'un bataillon de photographes, d'équipes de tournage, de maquilleurs, sans compter les redoutables attachés en communication, piétinant les herbes, rabrouant les mousses, écrasant les bois morts, afin de rendre l'endroit praticable pour l'éminence du parti.
Sentant soudain l'électorat sensible à la cause, la droite se fit forte de redorer son blason en décrétant que l'éradication de la phytophthora ramorum deviendrait une priorité nationale suite à l'élection, et que plus que jamais le chêne représentait l’emblème du mouvement.
La gauche voyait dans ce tableau l'allégorie du faible contre le fort, la lutte des classes, le combat ouvrier, et calomniait à mots couverts le candidat de droite en le comparant au chêne adolescent. Elle susurrait que, tout comme lui,  le jeune chêne  n’avait survécu jusque-là que grâce à la protection du vieux, et qu’à présent, ce roquet s’emparait de sa sève pour subsister.
Devant les bassesses des petits hommes, les deux chênes, qui en avaient vu d’autres, sentaient la pourriture les étreindre et  le changement se profiler. Bientôt, leur vigoureux  houppier d’antan ne serait plus qu’un tronc écourté et colonisé par des mousses et insectes.
Pendant ce temps, les océans, mers et étendues d’eaux n’avaient de cesse, plus que d'envie de rappeler à l’ordre ce ramassis de fossoyeurs terrestres, face à la destruction massive des espérances de rappeler chacun à ses obligations. Personne ne s'en préoccupait. C'est en observant un à un des immeubles marins remporter une victoire silencieuse sur la quête d’évasion des peuples, que trente-sept y ont laissé la vie, presque dans le plus grand silence... Ils étaient plus de vingt plus de cent ils étaient des milliers à pleurer désormais sur leurs erreur, d’avoir voulu, d'avoir tenté d'oublier leur malheur en misant sur leurs petites ou grandes économies à seule fin de se la couler sur la grande bleue et tenter de voir ailleurs si le meilleur s’y trouvait.

Même les eaux de la terre n’ont pas attiré l’affliction justifiée par ces tristes événements. Sur ces lieux sinistrés, aucune estafette de droite, de gauche, du centre, de vert, de rouge, de … Personne et pourtant… Pendant ce temps, un arbre, gros certes, dont on a dit qu'il était de la catégorie des chênes, alors donc, un vieux chêne malade, un leurre, une chimère monétaire, tente pour sa part d’éviter les secousses en passant entre les meetings, les naufrages, les massacres de journalistes, pour tenter de faire oublier qu'après avoir mené le sol de ce monde, il a avec plus que de passion, jouit et abusé de quelques feux de rampe et joyeux joyaux sans contrainte mais avec le soutien de quelques magnats, promoteurs, et autres grands de ce monde. Le vieux chêne s’est politiquement, humainement énucléé dans une sombre chambre, d’une non moins sombre histoire. Médias et masses se sont infiltrés dans les dernières branches auxquelles il a tenté de faire appel pour évoquer sa grandeur passée. Quelle tristesse pour un vieil arbre, mais quel honneur pour la nature. Quelle belle loi que celle de l'immuable éviction des produits malades, condamnés à un pourrissement naturel afin de fourbir terreau et tourbe pour voir refleurir de gauche, de droite, du centre des bois, des plaines et des jardins, ces jeunes glands qui s’enracineront et dont on saura avec le temps s’ils sont faits pour durer.

De nos deux chênes l’un plus que l’autre est appelé à en tomber… de cette volonté de grandir. L’on sait maintenant que seul l’enracinement est la valeur de l'humble. Soyons donc pauvre pour vivre mieux. Mais ne mélangeons pas les propos, ni les candidats à la prestigieuse étole, ni les imposteurs, ni les diffamateurs ne trouveront de place dans le terroir. Qu’est-ce que le chêne sinon un gland à faire germer ? Quel boutonneux se dégagera ?
Le meilleur rassemblement ne procède-t-il pas d’une simple observation de notre mère nature : le jasmin? le chêne ? Et le cèdre aujourd'hui que devient-il ?
La chambre n’est éclairée que par l’écran de l’ordinateur sur le bureau et une petite veilleuse à côté du lit, à l’opposé de la pièce. Concentré, le visage du jeune homme est troublé des ombres et lumières de la page affichée. Il a dix-sept ans, il ne vote pas. Il se fiche bien des déclarations des candidats de droite, de gauche ou du milieu, toutes inaptes selon lui à sauver les chênes. C’est son unique préoccupation. Le petit arbre a sans doute son âge. Ou peut-être pas, mais il aime à y croire. C’est son frère, son cousin, le jeune qui tente d’exister à l’ombre du vieux. Comme lui. C’est qu’ils sont tellement usants, ses parents, à lui faire des leçons sur la vie d’adulte ! Mais il a son plan pour les surprendre, on verra ce qu’on verra.
 
  L’heure du rendez-vous Skype approche. Le Professeur Hapstein va enfin lui donner les résultats de ses analyses.
- Bonjour Professeur.
- Hello Antony.
Le professeur a du mal à l’appeler Antoine, bien qu’il parle parfaitement français.
- Comme nous l’avions convenu, J’ai examiné les deux échantillons avec cette nouvelle méthode d’imagerie nucléaire. Tu sais que tu as un sacré instinct, boy ?
Antoine rougit. Il se rappelle ses observations, il ya quelques mois. Une infime nuance dans les colorations effritant l’aubier et s’enfonçant dans le bois des deux arbres. Un peu plus rouille sur l’ancien tronc, un rien plus blond sur le cadet. Il avait alors entamé de longues recherches sur Internet : aucune mention de phytophthora ramorum de couleur blonde.

  La maladie était quasi impossible à soigner, usuellement on finissait par abattre et brûler les chênes atteints. L’épidémie ne se propageait pas aux autres variétés, le jasmin et le cèdre étaient protégés.
- Je vous écoute, prof.
- Eh bien il s’agit d’une forme mutante de la phytophthora, inconnue chez nous aux US. Je ne sais pas pourquoi le champignon a évolué, mais ça ouvre peut-être des perspectives de traitement. Je te propose de continuer mes recherches et pour cela…

  La conservation se poursuivit tard dans la soirée. Antoine était très excité. Dans cette dernière ligne droite avant les élections (premier tour dans deux semaines), il allait donner une leçon aux candidats. Ça ne sert à rien de causer, il faut agir. Et proposer quelque chose de concret. Le plus gros des deux chênes est condamné. Alors pourquoi ne pas y creuser cette fameuse chapelle qui laissera un souvenir aux futures générations ? Et élaguer ses plus grosses branches pour donner de l’air et de la lumière au plus petit, ce chêne adolescent que le plan de bataille du professeur Hapstein pourrait sauver, peut-être.

  Enfin un peu d’espoir dans cette campagne électorale fermée et parfois stupide. Sans attendre, il commence à écrire une lettre ouverte aux aspirants présidents, qu’il enverra cette nuit même aux journaux.

Au fond de lui, Anthony a une idée du nom qui apparaîtra le dimanche a 20 heures sur tous les écrans de télévision, mais pour le moment ce n'est nullement sa préoccupation, car il est plongé dans une forme d'hypnose, sauver cet arbre relève de l’obsessionnel. Son souci  majeur: Sauver le chêne adolescent, il a entendu une fois comme ça par hasard qu'en Finlande, pays maîtrisant l'industrie et le traitement du bois, que les scientifiques arrivaient a stopper certains maux qui rongeaient les arbres, c'est décidé, il ira en Finlande voir ça de plus près, mais il partira le lundi, il voudrait d'abord partager avec ses camarades la victoire de son candidat, même si avant il donnait l'impression qu'il ne s'intéressait pas a ces élections. 


[1]    http://fr.wikipedia.org/wiki/Chêne_d'Allouville
[2]    http://goo.gl/IaJVd
 

samedi 8 décembre 2012

Le livre du futur



La semaine dernière, il m’est arrivé une chose étrange : j’ai été invité à séjourner dans la maison de mes ancêtres. Aucune connectivité, aucune domotique, j’ai du faire mon lit moi-même et passer l’aspirateur ! Quant à avoir des nouvelles, il fallait… acheter un journal. 

Mais ce ne fut pas le plus dérangeant. Dans cette belle demeure se trouvait une bibliothèque. Vous ne savez pas ce que c’est ? Dans ce cas c’était un meuble et une pièce ou on rangeait des livres. Rien à voir avec les livres que vous connaissez, truffés d’images mobiles, de sons, de musique et d’hyper-liens. Non. Il s’agissait là de livres imprimés, sur du papier, avec des pages qu’on tourne. La pièce était belle. Les rayonnages en bois blond sentaient l’encaustique, le parquet craquait. Quelques fauteuils près des fenêtres invitaient à la lecture.

Au hasard j’ai tendu la main et attrapé un volume. La couverture rigide crissait, les pages jaunies, raides, se feuilletaient avec difficulté. Voyage au centre de la Terre, de Jules Verne. Je me suis assis dans un fauteuil de velours rouge, j’ai lu. Longtemps. Une sensation incroyable ! Mais une lecture assez ardue. 

Comment visualiser le gouffre dans lequel les hérons descendent, sans image ni son ? Seulement avec les mots ? Comment faisaient nos anciens ? Une question qui m’a taraudée un moment… Je me suis dit que la réponse viendrait peut-être avec une autre lecture. 

Au hasard toujours, je suis tombé sur La fée Carabine de Daniel Pennac. Un style et un genre radicalement différents. Et là encore j’ai trébuché : ce carrefour ou une vieille dame sort une pétoire, je ne le voyais pas du tout. Impossible ! J’en aurais pleuré de dépit, je me sentais si bête. 

Me voici de retour chez moi, en deux mille trois cent quinze. Des dizaines de livres connectés sont à ma disposition, aussi bien sur le grand écran dans mon appartement que sur ma tablette souple, et en projection sur le dos de ma main. Les lieux, les personnages peuvent être visualisés en hologrammes autour de moi, la musique ou l’ambiance sonore retentir dans la pièce. Tout s’offre à moi, à vous, à nous, disponible, concret, mais aussi sans surprise. 

Je voudrais retrouver quelques vieux livres. Lire encore et encore, et arriver à voir par moi-même tous ces univers décrits. Peut-être devrais-je apprendre à faire mon imagination ?


jeudi 6 décembre 2012

Les lecteurs du Canal #3



Les lecteurs du Canal se sont réunis, fidèlement au bord du canal St Martin, le samedi 6 octobre. Handicapée par ma tendinite, j'ai cette fois-ci cédé la place à @Marsupilamima qui a pris les notes et rédigé ce compte-rendu. Puisse-t-il vous inspirer dans vos choix de lecture ! 

@fleurdbitume a lu en Bretagne Les piliers de la terre  et Un monde sans fin de Ken Follett. Le premier raconte l'histoire de Tom le bâtisseur, un maçon du XIIe siècle qui  rêve de construire une cathédrale romane, la plus grande d'Angleterre. Il obtient une commande d'un Seigneur et de sa femme pour leur construire une maison. Ce Seigneur, William Hamleigh, est violent, rancunier et jaloux. Il est obsédé par l'idée de venger son père qui a commis un crime dont dépend la succession du royaume. Un Religieux, ami de William s'oppose aux projets de Tom...
L'histoire très complexe se poursuit sur 1050 pages et s'étend sur soixante-dix ans.
Ken Follett est historien de formation et son récit est précis et détaillé, en particulier sur tout ce qui concerne la vie des moines ou des paysans.

Le Monde sans fin se passe 200 ans plus tard. Des enfants jouant dans une forêt rencontrent un chevalier assailli par des gardes et qui demande asile à l'abbaye. Ces enfants aussi vont vivre soixante-dix ans et le livre reste sur les mêmes thématiques. La première journée ne sera comprise qu'à la fin.

@athanoster nous annonce : j’ai pris froid à Saint-Brieuc...dans la maison de Louis Guilloux (1899-1980). Une maison banale dans un quartier résidentiel. C'est là qu'il a écrit Le Sang noir (630 p) qui se passe en 24 heures en 1917. Le professeur de philo,  Merlin, dit Cripure (critique de la raison pure) est un personnage étrange, d'apparence grotesque, il est très désagréable  avec sa compagne analphabète. Il essaye d'écrire un livre mais n'y arrive pas. Il conserve toutefois son aura auprès de ses anciens étudiants.
Le portrait que fait Guilloux des « planqués de l'arrière » permet de mettre en perspective la mort des fils.

@Christogrossi J'ai passé trois semaines à l'étranger avec mon IPAD rempli: 40 volumes répartis en trois bibliothèques. J'ai eu un vrai choc pour Gonzalo M. Tavarès, vraiment brillant. En particulier le voyage en Inde, inspiré des Lusiades de Camoens qui exprime la mélancolie contemporaine, un prodigieux chef d'œuvre. Même structure en vers, par chants, ce n'est pas un voyage. Le personnage s'appelle Bloom (comme dans Ulysse de J. Joyce) et part de Lisbonne pour aller en Inde mais passe par Londres, Paris, les pays de l'Est et l'Inde. Il est en fuite, parce qu'il aurait tué son père qui aurait tué sa femme...C'est ironique et profond.
Il fait beaucoup de rencontres. A Paris, par ex, il rencontre Jean M qui lui permet de rencontrer Sage qui trimballe deux bouquins...Il prend tout à contre emploi mais il y a aussi une strate plus philosophique.
On oublie la forme poétique, c'est un livre sur la mémoire et l'oubli.

Mais il a aussi écrit des séries de livres qui se passent dans un même quartier de Lisbonne qu'il a inventé et appelé  O Bairro. Dans ce quartier vivent des écrivains morts et il a consacré un livre à chacun, Brecht, Valéry, Walser etc...A chaque écrivain, il associe un défaut, un thème, par ex Monsieur Valéry et la logique. C'est un peu comme Plume de Michaud. M. Valéry s'inspire de Monsieur Teste. On suit ce personnage, cet auteur, qui va pousser la distraction à l'extrême ou dans Monsieur Krauss et la politique, ce sera l'ordre...

Il y a une autre série Le royaume ….

@Marsupilamima
A moi pour toujours de Laura Kassichke (traduit par Anne Vicker)

Écrivaine à l'allure angélique, très cruelle avec ses personnages. Ce sont toujours des gens ordinaires, ici, un prof de fac d'une petite université américaine. Elle a une quarantaine d'année, est mariée et a un fils de 18 ans dont elle attend avec impatience le retour de fac.
Elle trouve dans son casier, un petit mot anonyme « be mine », sois à moi.
S'ensuit une histoire d'amour torride avec un collègue qui va provoquer l'explosion de toute sa vie, de tout son univers et détruire aussi les siens.
C'est assez lent au début puis ça va crescendo...
Ses livres sont très différents les uns des autres mais avec cette thématique, l'erreur de jugement, le mauvais choix qui fait tout basculer....

@aubonroman
La panne de F Dürrenmatt a d'abord été une pièce radiophonique, puis un roman, puis une pièce de théâtre. Un représentant de commerce tombe en panne, toutes les auberges sont complètes et il atterrit dans la maison d'un juge en retraite où se trouvent aussi un bourreau, un avocat et un procureur. Ils ont l'habitude de se retrouver autour de repas gargantuesques pour refaire les grands procès.
Mais lorsque débarque cet inconnu, ils font son procès. Le verbe est riche, les effets comiques, les situations absurdes abondent.

@schaptal
Robert Wagner est mort le 5 août dernier. C'était un écrivain français en dépit de son nom, né en Algérie de mère française et de père allemand, il a écrit un livre sur la guerre qui s'appelle le train de la réalité...
Dans La belle du Néant qui fait partie des Futurs mystères de Paris qui se passent en 2063, on découvre qu'il y a eu une grande catastrophe en 2013, une grande terreur, les États-Unis sont fractionnés, tout le monde a perdu la boule, les gens sont amnésiques, ne savent plus comment ils s'appellent et son incapables de toute violence. Ils vivent en tribu, les cybercablés, les défoncés, les trinaristes...
Le héros temple sacré de l'aube radieuse est un détective privé, son talent: devenir transparent, les gens l'oublient. Il porte des vêtements voyants.
Il enquête sur un meurtre. Et c'est très drôle, un roman policier dans un monde sans violence.




lundi 26 novembre 2012

Aqueduc et Littérature



L’autre jour j’ai visité un aqueduc. Un tout petit, fait de bric et de broc. Il est peut-être romain, bâti au IIIe siècle et remanié ensuite. Peut-être pas. Une certitude : il n’a pas la régularité célèbre des aqueducs romains.



A ce stade, je devine que vous vous posez pleins de questions. Mais pourquoi elle nous parle de son aqueduc, au lieu de s’épancher as usual sur les livres, les bibliothèques, les écrivains ou la marche ? Quel rapport ? Rassurez-vous, j’y viens, j’y viens !

En effet, j’éprouve une fascination étonnante pour les aqueducs. Et avant de vous l’expliquer, je voudrais vous montrer le détail qui tue de cet aqueduc :



Un tunnel à l’intérieur qui relie les deux rives ! Pour un ingénieur des ponts (et des chaussées), savoir que nous avons été précédés de nombreux siècles auparavant est émouvant.

Mais revenons donc à cette fascination. Elle a un lien tout direct avec la littérature, et surtout avec Marcel Pagnol. Vous ne voyez pas ou je veux en venir ? Rappelez-vous votre lecture de La Gloire de mon Père. Les premières pages surtout. La lumière ne se fait toujours pas ? Bon, d’accord, aucun rapport entre les bruitages astucieux du petit Marcel avec les tuyauteries ; son apprentissage miraculeux de la lecture ou le coup du roi ; avec les aqueducs. Mais entre son grand-père et des ouvrages, si. Lisez plutôt :


  Il n’aimait pas beaucoup les maçons : « Nous, disait-il, nous montions les murs en pierres appareillées, c’est-à-dire qui s’emboîtent exactement les unes dans les autres, par des tenons et des mortaises, des embrèvements, des queues d’aronde, des traits de Jupiter… Bien sûr nous coulions du plomb dans des rainures, pour empêcher le glissement. Mais c’était incrusté dans les deux blocs et, ça ne se voyait pas ! Tandis que les maçons ils prennent les pierres comme elles viennent, et ils bouchent les trous avec des paquets de mortier… Un maçon, c’est un noyeur de pierre, et il les cache parce qu’il n’a pas su les tailler ».
  Dès qu’il avait un jour de liberté – c’est-à-dire cinq ou six fois par an – il emmenait toute la famille déjeuner sur l’herbe, à cinquante mètre du pont du Gard.
  Pendant que ma grand-mère préparait le repas, et que les enfants pataugeaient dans la rivière, il montait sur les tabliers du monument, prenait des mesures, examinait des joints, relevait des coups, caressait des pierres.
  Après le déjeuner, il s’asseyait dans l’herbe, devant la famille en arc de cercle, en face du chef d’œuvre millénaire, et jusqu’au soir, il le regardait.
  C’est pourquoi, trente ans plus tard, ses fils et ses filles, au seul nom du pont du Gard, levaient les yeux au ciel, et poussaient de longs gémissements.
  J’ai sur ma table de travail un précieux presse-papier. C’est un cube allongé, en fer, percé en son centre d’un trou ovale. Sur chacune des faces extrêmes, un entonnoir assez profond est creusé dans le métal refoulé. C’est la massette du grand-père André, qui frappa pendant cinquante ans la dure tête des ciseaux d’acier.
  Cet homme habile n’avait reçu qu’une instruction sommaire. Il savait lire et signer, mais rien de plus. Il en souffrit secrètement toute sa vie, finit par croire que l’instruction était le Souverain Bien, et il s’imagina que les gens les plus instruits étaient ceux qui enseignaient les autres. Il se « saigna »’ donc aux « quatre veines » pour établir ses six enfants dans l’enseignement, et c’est ainsi que mon père, à vingt ans, sortit de l’Ecole Normale d’Aix en Provence, et devint instituteur public.


Dans ces quelques lignes magnifiques se trouvent des notions (pour ne pas dire des valeurs…) qui me touchent profondément.
Le respect du travail bien fait, d’abord. Ce travail manuel qu’exerçait son grand-père était plus qu’un savoir-faire : l’amour de la taille des pierres élève cette activité au rang d’art. Mon travail n’est pas manuel, loin s’en faut. Mais quand j’ai bien  fait une tâche, j’éprouve de façon intense cette satisfaction que ressentait un artisan, ici un tailleur de pierres, après une belle journée de labeur.
La notion des origines ensuite. J’ai toujours pensé qu’il est important de savoir d’où on vient. On pourrait même dire de qui on vient. La jolie pierre de métal poli posée sur le bureau de Marcel Pagnol, c’est ça. Ne pas oublier qu’un grand-père sachant à peine lire s’est privé pour que son fils devienne instituteur, et que la génération suivante aborde les métiers de la création.

Je n’oublie jamais d’où je viens.

Et à cause de ce livre, aqueduc rime avec littérature.




mardi 20 novembre 2012

Petits bonheurs de lecture #1



J'ai décidé d'ouvrir une nouvelle rubrique: "mes petits bonheurs de lecture"

Parfois, au détour d'une page de roman, voici que s'offrent aux yeux du lecteur une, deux, trois phrases particulièrement belles. Ca m'arrive, assez souvent. Et loin de me sentir agressée par cette exhibition, je me dis que je dois les partager avec vous.

Cette rubrique contiendra donc des extraits, mais elle n'a rien à voir avec l'autre rubrique, qui s'appelle #extraits (je sais, c'est compliqué, mais comme ça je verrai ce qui suivent et ceux qui ont besoin d'un rattrapage). Dans cette autre rubrique, je ne relève que des textes ou les auteurs parlent d'écriture ou d'écrivains. Ici je veux partager des phrases belles, élégantes, aux mots bien choisis.

Bon, trêve de discours, commençons. Et là je vais en surprendre plus d'un: je n'ai pas aimé le livre qui sera cité. Il s'agit du recueil de récits Les Oliviers du Négus, de Laurent Gaudé. L'auteur traite ici de thèmes qui lui sont chers, et qu'on retrouve dans toute son œuvre. Mais il manque le souffle, l'envergure de ses romans. Ce qui n'empêche pas quelques très belles phrases, puisque Laurent Gaudé manie la langue avec grâce:

« Il écoutait les conversations de ses amis d’autrefois et ne comprenait plus leurs rêves et leurs envies. Etranger à tout, incapable de reprendre le cours normal de sa vie. Seuls les oliviers continuaient à parler à ce grand fou brûlé par la guerre. »

« Je ne savais pas s’il s’agissait encore d’hommes ou si, au fil du temps passé dans ce camp de nulle part, ils avaient fini par devenir arbre, terre et granit. »

 éd Actes Sud

samedi 17 novembre 2012

Pessoa et moi



jeudi soir, lors d'une rencontre Paroles d'Encre (association littéraire à Versailles), j'ai découvert une citation extraordinaire de Fernando Pessao


"La littérature est la preuve que la vie ne suffit pas". 


 Cette phrase a été citée en portugais puis en français par Sébastien Lapaque.
Comment comprendre cette phrase hors contexte ? Je suppose que l'auteur a voulu dire que la littérature est indispensable à la vie, ou à comprendre la vie. Elle donne une place centrale à l'écrivain, qui devient alors chargé d'une mission écrasante. Mais Sébastien Lapaque balaye ces craintes d'un revers de main involontaire à travers une autre profession de foi: il affirme que son objectif est de raconter des histoires. Et là, lumière ! 

Je me reconnais parfaitement dans cette mission: en tant qu'écrivain (bon, il n'est pas question de me comparer à lui ou à Pessoa), ce que je vise c'est à raconter des histoires. De bonnes histoires bien sûr. Et si possible des histoires qui puisse toucher un peu à l'universel, au delà des personnages et des situations. J'ai toujours pensé que si, après avoir lu un de mes textes, mes lecteurs s'ouvrent à des questions sur l'âme humaine ou le monde dans lequel nous vivons, j'ai gagné la partie

Est-ce ce qu'à voulu dire Pessoa ? Si j'ai trouvé cette citation sur Internet,et la mention de "théoricien de la littérature" sur Wikipedia, je n'ai pas trouvé dans mes recherches trop rapides d'étude sur ses théories. Et puis au fond je m'en fiche. Ce qui me plait, c'est de m'approprier cette phrase et de la tordre un peu pour qu'elle dise ce qui me touche. 

Et vous, quelle place pensez-vous que l'écrivain ou la littérature doivent avoir dans votre vie ?  

samedi 10 novembre 2012

l'ivresse de lire

Mon ami Alain,qui nous a déjà régalé de l'épisode #3 du Chêne adolescent, a été inspiré par l'article de Martine Silber sur la lecture pathologique, et nous livre ici sa propre expérience
.
Peu importe le moyen pourvu qu'on ait l'ivresse,
Quelques alexandrins pour ma petite presse.
Chers vous, 
à mon tour de mettre en mots et avec plaisir ,
mon peu glorieux chemin vers l'ivresse de lire.
Le chemin prit 20 ans, voir trente et meme quarante,
L'important c'est d'y être, et sur la bonne pente !
Enfant précoce timide,  joueur et anxieux,
Pour la lecture je n'avais jamais temps ni yeux,
A dix ans Oh ma mère , Quelle idée salutaire !
J'avais besoin d'argent, un projet "ondes et air",
Et elle offrit deux francs, par livre lu résumé, 
Ce fut certes scolaire, vous en conviendrez,
mais vraiment efficace, c'est ce qu'il me fallait,
faire deux choses à la fois, c'est encore assez moi !
Et ainsi Aujourd'hui, plus de trente ans plus tard, 
Lire est quotidien, tout cela gratuitement,
Il m'arrive même d'écrire, ca sort presque fluidement,
Alors je vous souris, et vous salue, vive l'art !
 cette enfant sur son chemin suivra-t-elle celui d'Alain ? 

mercredi 7 novembre 2012

Une bibliothèque toute simple

Il est des bibliothèques qui ne payent pas de mine, mais qui attirent comme des mouches. J'en veux pour preuve ce modeste meuble, rempli depuis toujours (disons d'aussi loin que je me rappelle) de livres de poche.



Enfants, nous tournions autour de ces bouquins, pendant nos vacances. Je n'ai pas précisé: cette bibliothèque est dans une maison de famille ou nous avons passé nombre d'étés et de vacances de printemps. Je ne suis pas une lectrice pathologique (voir billet précédent), mais combien de fois suis-je tombée en arrêt devant ces tentations ! Combien d'heures ai-je passé à regarder les tranches, les couvertures, puis à choisir (librement, quel bonheur) un ouvrage à lire ? Je ne les ai jamais comptées, mais elles sont parmi mes souvenirs les plus chers. J'ai ainsi découvert Zola, Steinbeck, Pagnol, une belle éducation n'est-ce pas ?


J'étais dans cette maison la semaine dernière, accompagnée. Et bien je vous le donne en mille, le charme de la bibliothèque a encore agi ! Nous avons passé deux heures un soir à sortir les livres, mon ami éternuant à cause de la poussière mais incapable de s'en empêcher. J'ai alors redécouvert qu'au milieu des romans à portée sociale se trouvaient des polars, des romans d'aventure... Bref, un résumé de littérature.

Il ne me reste qu'à espérer l'arrivée rapide d'une nouvelle génération, celle de mes petits enfants, qui serait alors la 5ème utilisatrice, afin de tester la durée du pouvoir d’attraction d'un petit meuble tout simplement chargé de livres.

Au passage, je mesure la chance que j'ai eue: dans ma famille la lecture n'était pas un passe-temps mais une vraie activité, à laquelle nous n'étions pas poussés mais discrètement encouragés par des échanges et des conseils... Aucune pathologie chez nous !

vendredi 2 novembre 2012

Pathologie de la lecture

Pour son tout premier Vases Communicants, A l'encre bleu nuit a le plaisir d'accueillir Martine Silber, grande lectrice, qui vous parle de livres, elle aussi ! Qui se ressemble s'assemble ?



 Dès l'enfance, lire a été un problème. On trouvait que je lisais goulument, on m'accusait  de lire trop vite, de sauter des pages, de ne pas comprendre ce que je lisais.  J'ai pris l'habitude de me cacher. Au fond du jardin. Au grenier. Sur le balcon, même en hiver.

Je lisais tard sous les draps avec une lampe de poche et quand je me faisais surprendre, le livre était confisqué et on m'annonçait que j'allais devenir aveugle. Je ne suis pas devenue aveugle mais sourde, laissant les adultes  s'égosiller, le téléphone sonner, tandis que je changeais de position comme seuls savent le faire les enfants, une jambe en l'air, la tête en bas.

 Lire est devenu un plaisir défendu, et au fur et à mesure,   une addiction.

Si je pars en vacances, par peur de manquer, j'emporte un énorme sac de bouquins. Non seulement pour ne pas rester sans rien à lire, mais pour pouvoir aussi choisir. Ce qui ne m'empêche pas d'en acheter sur place si par malheur il y a une librairie car je ne peux pas entrer dans une librairie sans acheter de façon compulsive ( pas un seul, mais deux ou trois livres au moins et cela peut aller bien plus loin...). Si je n'ai rien à lire dans le métro,  dans une salle ou une file d'attente, l'angoisse m'envahit. Je n'ai qu'une idée, m'enfuir, sortir, trouver un livre, un journal, n'importe quoi pour survivre.

Quand je termine un livre, le choix du suivant est atroce. Comme tous les drogués sérieux, j'ai des provisions d'avance, les étagères débordent, les piles montent  sol. J'en saisis un puis un autre, avec une sensation de malaise au fond de l'estomac, incapable de me décider.



J'ai été un peu sauvée par ma liseuse électronique. J'y empile les e-bouquins  sans vergogne. Personne d'autre que moi ne peut les voir. Mes réserves sont dissimulées, connues  de moi seule et si j'accumule sans lire tout de suite, pas de réflexions désagréables, pas de sourcils levés, pas de soupirs désabusés.

Mais je ne peux pas m'empêcher d'acheter aussi des livres papier. Je n'aime pas beaucoup le shopping, mais je en résiste pas aux devantures des libraires. Et de la vitrine à la porte d'entrée, il n'y a qu'un pas que je franchis avec allégresse, totalement consciente que je ne ressortirai pas les mains vides.

Bien sûr, je rate les stations de métro, je prépare le déjeuner en retard, je lis le soir jusqu'à ce que mes yeux brûlent.

 Je crois même que si j'ai appris plusieurs langues, ce n'est pas pour communiquer avec les autochtones, mais plutôt  pour pouvoir lire dans le texte, sans passer par le filtre de la traduction.

Je fréquente peu les bibliothèques que j'ai pourtant écumées dans mon enfance, je déteste emprunter, je  veux mes livres à moi, chez moi. Mais j'en prête. Ou du moins, j'en achète en double pour pouvoir les prêter. J'en achète aussi en double parce que j'ai oublié que je les avais déjà achetés. Plus étrange, j'ai beaucoup de mal à me décider à lire ceux que l'on m'offre, qui attendent parfois des mois, des années...

J'ai fait de cette addiction mon métier en devenant critique littéraire pendant assez longtemps, presque par hasard. Mais il n'y a pas de hasard, on le sait bien. Seulement, cela n'allait pas. Je croulais sous les mauvais livres et je n'avais plus le temps de lire ceux dont j'avais envie. En outre, lire armée d'un crayon, ce n'est plus la même façon de lire et j'ai été finalement soulagée d'arrêter et de passer à la rubrique théâtre, puis d'avoir un blog théâtre (http://marsupilamima.Blogspot.com). Une autre façon d'aimer les textes et d'en parler en préservant mes lectures.



 Merci à Valérie de me prêter cet espace, pas vraiment pour parler de livres, mais de cette pathologie de la lecture dont je crains qu'elle ne soit incurable...mais ce n'est pas une maladie orpheline, nous sommes assez nombreux, non?



samedi 27 octobre 2012

Les écrivains savent-ils lire ?



Quand j’étais gosse, à l’école, on apprenait à lire. Je veux dire, à voix haute, J’aimais beaucoup cet exercice. L’institutrice insistait sur beaucoup de détails : il  fallait « dire » la ponctuation, mettre le ton, prononcer correctement… J’ai appris ainsi la différence entre un point virgule, un point et une virgule (lisez donc cette phrase à voix haute, pour voir). Grâce à cela, je reconnais à l’oreille un « o » d’un « ô ». J’aimais beaucoup cet exercice. Aussi suis-je toujours attentive à la façon dont les écrivains lisent des extraits de leurs livres. Et là, il y a malheureusement parfois de mauvaises surprises, mais aussi des révélations !

Lors d’une soirée de l’association Paroles d’Encre, François-Guillaume Lorrain, dont j’ai aimé le roman L’homme de Lyon lit une nouvelle inédite. Il est impliqué dans son texte, que j’ai aimé, mais il bute sur des mots, comme s’il avait du mal à les déchiffrer. C’est donc une lecture heurtée, peu harmonieuse.

Metin Arditi, qui publie Prince d’Orchestre, change de voix lorsqu’il lit. Il parle dans un registre aigu (enfin pour un homme) et lit sur un ton plus grave, plus posé. Cela donne de la profondeur à sa lecture.

En2009, Laurent Gaudé avait donné une lecture de sa pièce le tigre bleu de l’Euphrate au Théâtre Montansier à Versailles. Cet auteur serait-il aussi acteur ? Il dit son texte brillamment. Je n’ai pas lu la pièce, je découvre les mots au fur et à mesure. Et je ne peux m’empêcher de me dire « je ne l’aurais pas lu comme ça ». J’y aurais mis plus de fougue, peut-être plus d’exaltation par moment, bien que le héros soit en train de mourir. Ici on touche à la grande question : l’œuvre appartient-elle à son auteur, qui la voit d’une façon douce, ou à sa spectatrice, qui la voix plus combative ?

Toujours lors d’une rencontre Paroles d’Encre, un écrivain suisse alémanique, Alex Capus, est invité. Il écrit en allemand, nous parle en français avec quelques difficultés. Il aura la chance de se voir exempter de l’exercice de la lecture, pour cause de barrière de langue.  Un point crucial ! Pour bien lire à vous haute, il faut maîtriser le verbe.

Cette semaine dans l’émission La Grande Librairie, Alexandre Jardin annonce qu’il va lire quelques lignes de son nouveau roman, Joyeux Noël. Cela n’a pas l’air de plaire à l’animateur, car ce n’était pas prévu. L’auteur lit, mais en se dépêchant. Trop vite ! L’auditeur n’a pas le temps de se pénétrer des mots, de les sentir.

Ah que la lecture est un exercice difficile ! Un ami m’a rapporté que l’auteur Christophe Claro, avant une séance publique, répétait sa lecture, aidé par sa femme. En voilà un qui a raison !

Et pour finir, si vous avez l’occasion, écoutez Fabrice Lucchini lire ou dire des textes. C’est là qu’on voir que les mieux placés pour des lectures orales, ce sont les (grands) lecteurs ! 


lecture publique de "l'Arboretum Imaginaire"

lundi 22 octobre 2012

D'un monde à l'autre


Une petite fille qui voit des nombres, qui est convaincue qu’il va se passer quelque chose. Quoi ? Elle l’ignore. Son entourage ne la croit pas. Jusqu’au jour où…

Un événement se produit le 21 décembre et passe inaperçu. Sauf pour quelques entreprises paralysées par un bug informatique. Serait-ce le début de la fin ?

Le 21 décembre 2012 verra-t-il la fin du monde ? Certains prédisent les pires catastrophes. D’autres nient farouchement, argumentaire à l’appui. Où est la vérité ? Les deux romans qui composent « D’un Monde à l’Autre » ne délivrent pas de certitudes, ils décrivent des possibles et imaginent leurs conséquences. Des mondes qui meurent, et après… 



illustration de Sarah Ivars, couverture réalisée par KlaCson

Enfin disponible sur le site de TheBookEdition (cliquez)


mercredi 3 octobre 2012

Passages, de Jean-Claude Duponq



J’ai eu un jour l’immense privilège de relire un recueil de poèmes écrit par mon ami Jean-Claude Duponq, alias Ecritrève (lien) sur son blog et @asaformation sur Twitter. C’est à la fois une grande responsabilité eu une belle marque de confiance. J’en sais quelque chose, je lui ai fait relire une de mes nouvelles ! Il faut dire qu’il m’avait soufflé une excellente première phrase.

Bon, ne nous dispersons pas. Je lis peu de poésie. C’était donc un exercice difficile a priori. Mais Jean-Claude me l’a sacrément facilité ! Tout simplement parce que ses poèmes m’ont plu. Et aussi parce qu’il n’y avait presque rien à corriger, deux fautes de frappe par ci, une étourderie par là, ce manuscrit avait été drôlement travaillé ! Cette idée de l’auteur artisan qui polit et repolit ce qu’il a écrit pour en obtenir le meilleur me séduit.

Quelques mots sur les poèmes ?  Simples, rythmés, variés, ces textes touchent au cœur. Ils évoquent la nature, l’humain, une vie que j’aime. Un zeste de fantastique, de la jonglerie avec les mots, du quotidien et de l’inattendu, des silhouettes finement croquées, il y a tout pour un joli moment de lecture. Pour vous faire plaisir.


Et pour finir, bien avant moi, Jean-Claude jouait sur encre et ancre. Tu as raison, cher ami, levons l’ancre !

   Traces d’ancres

   Laisser glisser la plume
   Et tracer la courbe du verbe
   Dans une mer de tranquillité
   S'entourer pour être plus forts
   Dans le passage des arabesques
   Avant d'emprunter la route des déliés
   Et s'étourdir des rires
   Aux sonates éphémères
   Au diable la chrysalide !
   Et adieu les ratures
   File, file la bille
   De l'encre
   Des ancres, il naîtra !

Je sens que ça vous tente,  alors vous pouvez trouver ce recueil ici.