vendredi 11 octobre 2013

les commentaires des amis



Vous venez d’écrire un texte, court, long, une nouvelle, un poème, qu’importe, vous venez d’écrire quelque chose qui vous tient à cœur.

Hésitant(e) vous décidez de le faire lire à un(e) ami(e), un compagnon (j’abandonne les deux sexes, pas drôle à écrire), votre frère ou votre sœur. Vous savez que cette personne aime lire, que c’est un(e) fin(e) lecteur (trice) dont vous appréciez les avis sur des livres que vous avez lu en commun. Je sais, je suis revenue à la mention des sexes. Passons.

Vous attendez des avis sur le style, la construction, la narration, vos personnages, la portée de l’histoire.

Et là, c’est souvent la catastrophe. Vous avez droit à des commentaires bateau, comme « je me suis senti imprégné de ton univers ». Mais ça peut encore passer… Le pire, ce sont les commentaires qui ont pour but de vous faire plaisir, et qui ratent leur but :

« ca se lit facilement ». Lecture entre les lignes : ton écriture manque de profondeur, ce n’est ni du Hugo ni du Camus.

« J’aime beaucoup, on dirait un scénario de film ». Ben non. J’ai écrit un livre, pas un film. J’ai écrit pour être lu, pas vu. Ça doit d’abord faire un livre, avant de faire un film.

« Je t’ai bien reconnu dans ce livre ». Vu les efforts que vous avez fait pour ne pas parler de vous, soit la personne vous connaît très mal,  soit elle est passée à côté du bouquin.

« Tu as mis longtemps à l’écrire ? ». Version alternative de « ça se lit facilement ». 

J'ai sûrement eu droit à d'autres de ces perles, mais je ne m'en souviens plus (merci la mémoire qui efface...)

Et vous, amis écrivains ou poètes amateurs, avez-vous eu de ces commentaires qui se veulent gentils et sont vexants ? N’hésitez pas, partagez-les !

mercredi 9 octobre 2013

Plaidoyer pour des réseaux sociaux sans pub



 En début de semaine, je lisais des articles au sujet de l’introduction de Twitter en bourse. A cette occasion, j’ai appris que, bien qu’existant depuis sept ans, Twitter n’est toujours pas rentable. Première remarque : dans quelle économie vivons-nous ? Une entreprise qui ne gagne pas de sous arrive quand même à en trouver pour survivre, comment ? Pourquoi ? Quand tant d’autres meurent ?

Au-delà de ces interrogations qui resteront sans doute sans réponse, je voudrais dire ici que toutes ces questions sur le « modèle économique » de la Net économie m’agacent. Tout particulièrement quand je fréquente des réseaux sociaux. Moi j’y vais pour une raison bien précise : causer avec des amis, échanger avec de parfaits inconnus, découvrir grâce à eux un livre passionnant, un film émouvant, une info qui m’aurait échappé… Au milieu de ces échanges amicaux, fraternels, intellectuels, le graal du modèle économique des réseaux sociaux, j’ai nomme la pub, n’a vraiment pas droit de cité !

Et je le dis tout net à certains amis : je suis très déçue quand je vous vois « aimer » des pages de pub sur Facebook… Je vous garde toute mon amitié mais…

Alors je sais bien ce qu’on va m’objecter : il y a des entreprises derrière ces services, il faut qu’elles vivent et payent leurs employés. Comment être contre ? Mais je le dis franco : je préfèrerais payer un abonnement mensuel que de subir la pub.

La communication, avatar moderne du mot pub, lui-même ayant succédé à réclame, envahit nos vies et nos paysages. Enseignes géantes, panneaux lumineux, prospectus dans la boite aux lettres, spam… Je n’en peux plus de la pub ! J’ai envie d’un espace vierge de pub ! Les réseaux sociaux, c'est tout indiqué...

Et je voudrais à ce titre me risquer à une comparaison avec des sites d’information. Je consulte souvent celui du Monde : il est bourré de pub ! en fond de page, sur le bandeau latéral, en fenêtres pop-up… Et je suis abonnée à celui de Mediapart : pour 9 euros par mois, vous pouvez y lire des infos, encore et uniquement des infos. Aucun encart non désiré.

Je dois reconnaitre que si les réseaux sociaux étaient payants, j’en fréquenterais moins. Mais je serai plus heureuse de fréquenter les heureux élus.

Ne nous faisons pas d’illusion : nous vivons dans un monde économique, ou de fins commerçants excellent à créer de faux besoins chez les « clients potentiels », tout ça pour faire tourner une machine de plus en plus déconnectée du réel. Alors demander un petit espace sans pub, c’est assez utopique…

 

Mais comme l’aurait dit Edouard Herriot : « Une utopie est une réalité en puissance. »



lundi 7 octobre 2013

paroles d'encre #2


Ce soir, Paroles d’Encre nous accueille dans un lieu exceptionnel: la galerie des affaires étrangères de la bibliothèque de Versailles. C’est dans ce bâtiment que fut négocié le traité de Paris de 1783 mettant fin à la guerre d’Indépendance américaine et le traité de Versailles la même année. Il est tout indiqué pour soirée consacrée à une littérature étrangère !

Très hautes de plafond, les salles en enfilade présentent des murs couverts de livres reliés cuir. On ne peut s’empêcher de se demander depuis combien de temps ces volumes n’ont pas été feuilletés ! Année Lenôtre oblige, des livres sur la botanique ou l’art des jardins sont exposés.

Mais revenons à nos invités de la soirée. Renouant avec des habitudes de ses premières années, l’association Paroles D’encre a voulu consacrer une séance à une maison d’édition. C’est Autrement qui profite de l’aubaine. Connue pour ses collections sur les sciences humaines, Autrement a progressivement intégré d’autres thèmes à ses collections, dont la littérature, avec pour fait d’armes la publication de Inconnu à cette adresse, de Kressmann Taylor.

la suite sur le blog Tulisquoi (cliquer) ou cet article est le douzième du genre...  

jeudi 3 octobre 2013

des bandits en culottes courtes #6

épisode 1 ici
épisode 2 ici
épisode 3 ici 
épisode 4 ici 
épisode 5 ici

Depuis deux jours Pons avait disparu. Les hommes du village ont organisé une battue dans les garrigues, grimpant progressivement vers la montagne, ces Pyrénées traîtresses où l’on pouvait glisser d’un rocher et rester étourdi dans une ravine sans pouvoir en sortir. Ils revinrent bredouilles et abattus. Les garçons de la petite bande n’osaient plus courir dans les rues, ni se montrer ensemble dans le village. Alors ils se faufilaient comme des ombres le long des murs, se réfugiant à deux ou trois, pas plus, dans une encoignure pour se donner des nouvelles : Pons résiste, il refuse toujours de jurer.
Pere a eu enfin le droit de se lever et de faire quelques pas dehors, mais aucun gamin n’a osé l’approcher.

Troisième jour, un dimanche. Josep avait mal au ventre. Il se sentait coupable. C’est lui qui avait eu l’idée du coup des Trabucayres, mais il n’avait pas compris que cela voulait dire enlever Pons, le faire pleurer comme un enfant, faire pleurer sa mère, faire pleurer tout le monde. Son petit cœur d’enfant de sept ans était retourné, son estomac aussi. Il était incapable de boire son chocolat. Alors il faisait traîner, tournant sans fin la cuiller dans le bol, attendant  que sa mère ait le dos tourné pour le jeter à l’évier. Puis il sortit rôder dans les rues. Sa mère allait à la messe, mais pas son père ni lui. Alors il traîna son désarroi dans les rues, avançant sans regarder où il va. Et ses pas, machinalement, comme tous les matins, l’emmenèrent sur le chemin de l’école. Il longea le mur de la cour de récréation, les yeux rivés au sol, quand il buta contre des pieds. Levant le nez, il vit M. Legrand. Alors sa honte et son angoisse le submergèrent, il fondit en larmes.
- Et bien, qu’y a-t-il, Joseph ? Pourquoi tu pleures ?
- Oh M’sieur ! Oh M’sieur !
C’est tout ce qu’il pouvait dire. M. Legrand eut un soupçon.
- Joseph, c’est à cause de Pons ?
- Oui, M’sieur.
- Allons, Joseph, viens avec moi sur le banc de la cour, tu vas tout me dire.
Alors Josep, entre deux sanglots, avoua sa mauvaise idée, ses regrets, sa peine d’avoir fait du mal.

- Toi, Josep, tu ne bouges pas d’ici !
Et chacun put voir M. Legrand sortir comme un fou de la cour, traverser le village en courant et rameuter tous les hommes qu’il croisait pour se diriger vers le vieux Chêne. Ils trouvèrent là le jeune Pons, recroquevillé sur une banquette, mains et pieds liés, bâillonné. Lorsqu’ils le délivrèrent, le garçon se mit à pleurer tout en tremblant. Il n’avait mangé depuis trois jours. Les hommes le portèrent jusque chez lui, où il fut couché dans le grand lit de ses parents, pendant que la vieille Dide lui préparait un bouillon. Il sombra aussitôt dans un profond sommeil,  et ne fut capable de raconter sa mésaventure qu’en fin d’après-midi.
Cette fois-ci, ce furent les pères qui tinrent conseil, au café. Le père Pons hurlait de rage, disant que les gosses méritaient une sévère punition, comme de passer l’été en maison de redressement. Celui de Pere faisait timidement remarquer que son fils, rossé par Pons, était au lit lorsque le rapt s’était produit. M. Legrand tentait de calmer les esprits, expliquant que son intervention auprès de Pere avait peut-être tout déclenché, que les enfants ne s’étaient pas rendu compte… Les autres se taisaient, le nez dans leur verre, rouges de honte. M. Legrand, à bouts d’arguments, proposa une sentence : les fautifs devaient être séparés pendant l’été, lorsque la classe serait finie, avec obligation de faire des devoirs de vacances qu’il se chargeait de fournir. Le père Pons en demanda plus, qu’ils soient tous au pain et à l’eau pendant trois jours et pas d’argent de poche pendant les vacances. Tous les pères acceptèrent, heureux que les choses n’aillent pas plus loin. Antoine retournerait à Céret, Jacques irait chez sa tante à Perpignan. Josep n’avait pas d’endroit ou aller, alors M. Legrand l’emmènerait avec lui. Jean irait travailler chez un lointain cousin dans la montagne, éleveur de moutons. Soulagé que cela se termine sans punitions corporelles, l’instituteur retourna vers son école. Il était près de huit heures du soir. En s’approchant, il distingua sur le banc de pierre une petite silhouette.
- Bon sang Joseph, mais qu’est-ce que tu fais là ?
- Vous m’avez dit de ne pas bouger, j’ai pas bougé.
- Excuse-moi, bonhomme, je t’avais un peu oublié ! Viens, je vais te donner du chocolat.

Pere, lui, avait vécu ces événements depuis sa maison. Sa mère avait peur pour lui et préférait le garder près d’elle. Ses amis vinrent donc le voir pour lui expliquer toute l’affaire. Il ne fit qu’un commentaire :
- Vous êtes complètement fous. Pour racheter une petite bêtise, faire une bande avec Pons, vous en avez fait une énorme.
- Mais… tu nous feras les leçons, à la rentrée ?
- Je ne sais pas… J’ai plus trop envie. Ça va encore faire des histoires. Je crois que non.
En prononçant cette phrase, il n’y croyait pas vraiment. Il avait beaucoup réfléchi, il aimait donner ses leçons. Mais il lui fallait être sûr de sa tranquillité.

Depuis deux jours, Pere faisait la vie à sa mère, la suppliait pour qu’elle le laisse sortir. Il venait d’obtenir sa permission et se rendit à l’épicerie.
- Bonjour Mme Pons. Puis-je voir Pons, s’il vous plait ?
- Il est sur la terrasse, derrière, vas-y.
- Merci M’dame.
Il traversa la maison derrière l’épicerie et vit le garçon assis à l’ombre d’une glycine, qui s’essayait au tressage de l’osier.
- Salut Pons.
- Salut.
- Ecoute bien, parce que je ne le dirai pas deux fois. Je trouve que ce qu’ils t’ont fait, c’est pas bien. Tu as été méchant, autoritaire et tu méritais une punition. Mais c’était à moi de te la donner, pas à eux. Alors pour ça je te présente mes excuses. Mais pour le reste, le Chêne est à ceux qui veulent y travailler. Si tu veux étudier, tu es le bienvenu, sinon tu vas faire tes coups ailleurs. Voilà !
- Mon père a dit que si je continuais mes coups, j’irai jamais au lycée et je ne serai jamais directeur de grand magasin. Et moi, je veux être directeur des Dames de France. Alors j’arrête. Le Chêne est à ceux qui veulent y travailler, tu as raison. Retournez-y.
- Si un jour tu le veux, tu peux venir.
- Pourquoi pas ?