lundi 28 avril 2014

coup de gueule: la littérature et l'intégration



Il y a quelques jours, en me baladant dans une librairie (mais pas ma librairie favorite, qui n’a pas fait de faute…), je tombe sur quelques exemplaires de le gone du chaâba, en édition de poche, sur la table « littérature étrangère ».

L’auteur ? Azouz Begag. Un étranger ? Et bien… non. Né en France de parents Algériens, il est français depuis 1989. Le site Wikipedia indique qu’il aurait hésité entre nationalité algérienne et française, sans que j’aie pu vérifier cette info. Mais il a opté pour la France et la France lui a dit oui.

Toute son œuvre est écrite en français. Il a été ministre de la république, en autre fonctions officielles.

Le gone du Chaâba raconte son enfance dans un bidonville près de Lyon. Ce roman a été porté à l’écran par Christophe Ruggia et a connu un beau succès.

Bref, aussi bien l’auteur que le roman sont français.

Certains me diront que sans doute la personne qui a composé les tables de cette librairie ne savait pas. Mais c'est bien ce que je lui reproche ! Ne sachant pas, le livre est "automatiquement" mis en littérature étrangère, sans se poser de questions alors qu'il raconte une histoire qui se passe France. Se renseigner n'est pas si difficile, en quelques clics sur Internet j'ai trouvé l'information. 

Alors je demande : que faut-il pour qu’un homme, quelle que soit la consonance de son nom, soit considéré comme français ? Accepté comme tel ? Et si Azouz Begag peut encore se retrouver dans la rubrique littérature étrangère, qu’en est-il de notre jeune voisin, le mien, le vôtre, prénommé Mohammed ou Ali, né français en France, qui ignore tout du pays de son ancêtre ? Aucune chance d'être un jour considérer comme ce qu'il est: français.

La littérature est un merveilleux moyen d’intégration. Parce qu’elle permet de voyager, comprendre l’autre et ses différences, sa culture, ses façons de penser. Elle offre des possibilités d'ouvertures à l'autre insondables. Elle aide chacun de nous à faire les petits pas qui font que l'étranger restera autre mais peut devenir un frère.

Si on doit faire des catégories en matière de littérature, que chacun soit à la place qu’il mérite : un auteur français doit être en littérature française, que son nom ait pou non des sonorités lointaines. Ainsi la littérature, en plus d’être un moyen d’intégration, en sera aussi un modèle.

lundi 7 avril 2014

Aimer le français



Je suis assez fascinée pas les langues et ce qu’elles véhiculent. Comment une langue peut façonner une pensée – je ne réfléchis pas de la même manière selon que je suis en train d’utiliser le français ou l’anglais ; comment une langue peut être le reflet d’une culture ; la plasticité de certaines langues qui absorbent des mots étrangers et la rigidité d’autres. Et parmi toutes ces questions, il en est une qui dépasse les autres : pourquoi un écrivain choisit-il d’écrire dans telle ou telle langue.

Pour certains le choix peut être politique, comme Jorge Semprun qui fait le choix d’écrire en français après avoir été exclu du parti communiste espagnol et qui fera le choix de revenir à sa langue natale à la fin de sa vie.

Pour d’autres le choix est évident, parfois douloureux, comme François Cheng le raconte dans Comment je suis devenu français de Jacqueline Rémy (recueil de vingt témoignages) :

« A un moment donné de ma vie, lorsque je suis parvenu à maitriser cette autre langue, j’ai éprouvé l’ivresse de renommer les choses à neuf, comme au matin du monde.
  Après avoir erré entre deux eaux (…), entre deux langues, l’une qu’il perdait, l’autre qu’il n’arrivait pas à "posséder", François Cheng explique que cette difficulté était une chance »

Et enfin il y a ceux pour qui ce choix est un geste d’amour. Yasmina Khadra, né en 1955 en Algérie, a sans doute appris dès l’enfance le français, autant que l’arabe algérien. Lors de l’émission La Grande Librairie du 24 octobre 2013, il fait écho à Nancy Huston qui parle de son propre choix du français. Que Yasmina Khadra et François Busnel me permettent de retranscrire ici ses magnifiques mots :

 « La langue française me parle, elle me donne tout, nous vivons un parfait amour tous les deux ». 




Lorsqu’il sera interrogé à son tour sur son propre livre, le romancier va récidiver, et déclarer publiquement sa flamme à notre langue : 

« J’adore la langue, elle me donne tout, et j’essaie de la servir du fond de mon cœur. Je lui donne mes tripes, mes sentiments les plus intimes. J’essaie de construire avec elle quelque chose, une œuvre. »

A propos des trois personnages féminins de son roman les anges meurent de nos blessures :

« Il y a quatre femmes. La langue française aussi est là. C’est sa sensibilité qui raconte tout ça. Moi je suis allé voir la langue française, et lui ai dit "est-ce que vous pouvez faire la femme pour moi" et elle a dit oui (…) »
« La langue française est comme la générosité de Turambo. Elle est belle, elle est un élan, elle est une rêverie, une féérie, elle est une conquête, mais une conquête heureuse, pas dominatrice, dans le partage ».

Je crois vraiment qu’il faut avoir choisi la langue française, et pas seulement en avoir hérité, pour lui chanter de si belles louanges.

Merci M. Khadra