vendredi 18 septembre 2015

Mon frère



Toi le frère que je n’ai jamais vu
Sais-tu si tu étais venu
Ce que nous aurions fait ensemble
Je t’aurais appris le français par cœur
J’aurais été comme une sœur
Comme deux humains qui se ressemblent

Mais tu n’es pas là
A qui la faute ?
Toute cette haine
qui se déchaine
Comment supporter cela ?

Toi mon frère tu es le bienvenu
Dans ma maison, dans ma rue
Tu ne seras plus solitaire
Je ne te ferai pas faux bond
Tu me donneras tes chansons
Je te donnerais ma terre

Mais tu n’es pas là
Qui la faute ?
Aux décisionnaires
Pas vraiment solidaires
Comment supporter cela ?

Toi mon frère que j’ai enfin connu
Tu as mangé tu as bu
Laissé la guerre et les malheurs en arrière
Avec toi je vais partager
Les mots d’amitié et les pavés
Mais tu n’oublieras pas ta terre

Et enfin tu as là
L’exil n’est pas ta faute
Mais la misère
Mais les galères
T’ont forcé à cela

merci à Maxime Le Forestier pour sa belle chanson qui m'a permis d'exprimer ce que je ressens.

lundi 14 septembre 2015

Les personnages récurrents



J’ai lu ou relu récemment quelques bouquins dont le personnage principal est un personnage récurrent. Bien entendu, ce sont surtout des polars. Et quelle est la caractéristique principale d’un héros récurrent dans les romans d’enquête ? Bravo, vous avez gagné : il a des problèmes personnels ! Qui, évidemment, interfèrent avec ses investigations…

Et bien je vous l’avoue tout net : ce type de personnage commence à m’agacer. Je rêve de romans policiers ou le flic chargé de l’enquête soit juste un père de famille, qui part le matin, rentre le soir, parle avec ses gosses et aime sa femme. Une sorte de type ordinaire, qui permette à l’auteur de laisser la part belle à une enquête riche sur un crime… pas trop invraisemblable.

Je crois que la palme des héros récurrents agaçants, pour ceux que je connais, revient à Kay Scarpetta et Moreno. Elle a toujours les « nerfs en pelote », il est toujours bougon, mais se fait du souci pour elle et la protège aux moments cruciaux. Dans mémoires mortes, l’auteur réussi l’exploit de faire espionner Scarpetta par son ex, alors qu’elle souffre toujours de leur rupture et… bien entendu ils passent une nuit ensemble. Tout ça pour une mort qui se passe pile poil dans la ville dont elle est le médecin légiste !
Bref, pour la vraisemblance, on repassera.

J’ai beaucoup aimé Adamsberg. Un personnage un peu hors du temps, avec des méthodes d’enquête très personnelles, laissant faire son instinct, son intuition. Le « pelleteux de nuages », comme le surnomme affectueusement Fred Vargas, est attachant par ce côté rêveur, à l’opposé du caractère terre à terre et rigoureux de beaucoup de flics de roman. Mais il faut croire que les meilleurs filons peuvent se tarir, je me suis lassée. Ainsi, je n’ai pas encore lu temps glaciaires, alors que des amis m’en ont dit le plus grand bien. Cette lassitude tient tout simplement à la répétition : du personnage, de ses méthodes, de son entourage, rien ne change. Et la vie n’est pas comme ça : chacun évolue, change en fonction de ses expériences et des épreuves de la vie. Autour de soi, des amis s’éloignent, d’autres liens naissent. C’est rarement le cas dans les polars.

Dans la catégorie du héros cabossé par la vie, nous avons deux sérieux candidats : Vallander et Harry Bosch

Pour le premier, j’étais contente que Henning Mankell ait eu la bonne idée de lui refiler la maladie d’Alzheimer. Cela me semblait une belle astuce littéraire pour que le héros ne revienne pas et que la série de ses enquêtes soit vraiment finie, à l’opposé de Sherlock Holmes que Arthur Conan Doyle a été obligé de ressusciter. Mais voilà-t-y pas que Mankell a plein de textes dans ses tiroirs, prétendument écrits il y a quelques temps déjà, et nous ressort régulièrement son héros… Comme dans une main encombrante, ou Kurt Wallander cherche à acheter une maison, parce qu’il ne veut pas de celle de son père avec qui il ne s’est jamais entendu, et patatras, un retrouve une main, puis un corps entier dans le jardin. Dans chaque roman KW a des problèmes avec un membre de sa famille : sa mère, son père, son ex-femme, sa fille… Incroyable comme ce type a pu bousiller sa vie ! Pour tout dire, pas très crédible…

J’ai beaucoup aimé Harry Bosch aussi. Dans le genre "cabossé par la vie", il se pose là avec le Vietnam, le meurtre de sa mère quand il était enfant, ses déboires sentimentaux qui, eux, restent vraisemblables car inscrits dans les traumatismes initiaux. De plus, les événements fondateurs ont une résonance intelligente avec les romans : la terreur que Bosch éprouve lorsqu’il doit s’introduire dans les conduits souterrains sous Los Angeles prend racine dans ce qu’il a vécu dans des boyaux au Vietnam (Les égouts de Los Angeles). Les personnages secondaires ont une vie, leur carrière évolue d’un roman à l’autre, les liens avec Bosch se distende ou se resserrent. Cependant j’ai aussi fini par me lasser. Pour une tout autre raison que précédemment : L’obsession des détails techniques de M. Connelly a fini par envahir ces romans, parfois au détriment  de l’histoire. Enfin, dans le dernier roman que l’ai lu, ceux qui tombent, l’intrigue tourne autour de crimes sexuels. L’auteur prête alors des pensées très dérangeantes à Bosch, regrettant la peine de mort pour ce type de criminels, haïssant les homosexuels… Il fait également preuve d’une attitude méprisante et autoritaire à l’égard de son partenaire. Ce n’était pas la vision que j’avais du personnage, et j’ai regretté le redresseur de torts à la morale inflexible.

Une conclusion s’impose donc : j’ai une nette préférence pour des romans policiers ou des romans noirs dont les personnages ne sont pas destinés à revivre sous la plume de leur créateur.

Quelques exemples que je vous recommande absolument
James Ellory, seul le silence
Pete Dexter, Cotton Point
Ron Rash, Une terre d’ombre
Roger Smith, mélanges de sangs

lundi 7 septembre 2015

Extrait #7: Ecrire la vérité



Il y a bien longtemps qu’un livre ne m’a pas donné envie de publier des extraits. Le premier extrait date de février 2012, le dernier de mars 2015, et il n’y en a eu que 6. Tous sont relatifs à un thème unique : l’art d’écrire. J’aime beaucoup quand le romancier, au sein de son ouvrage, donne un aperçu de sa vision de l’écriture, souvent à travers le regard d’un de ses personnages.




Voici donc l’extrait numéro 7, suscité par la lecture de Des vies parallèles, de Lucy Caldwell. 

La narratrice de ce roman a vécu une drôle d’enfance : aux alentours de ses douze ans, elle découvre que son père a une autre famille, d’autres enfants. Devenue adulte elle tente d’écrire cette histoire. Et elle a des difficultés, car ses souvenirs sont vagues et sa mère a toujours refusé de répondre à ses questions.

Son métier est d’aider des personnes âgées ou handicapées. Un de ses « patients » participe à un atelier d’écriture, elle s’y intègre. Lorsque son travail de rédaction se bloque sur les blancs de sa mémoire, son professeur lui prodigue quelques conseils intéressants :


« Vous avez une dent contre la fiction, hein, Lara ? Vous pensez que, parce que vous racontez une histoire vraie, il n’y a que la vérité exacte et absolue qui tienne. C’est un impératif moral, pour vous. Seulement, en fait, tout ce que nous écrivons n’est qu’un récit. Nous lui donnons une forme, une structure, nous décidons où il commence et où il finit. Vous dites que vous achoppez sur des blancs des manques et des lacunes, mais le travail de la fiction, c’est précisément de tisser un filet. Ce filet ne retient pas toit, ce n’est pas possible, mais il restitue l’effet que ça faisait de vivre telle situation, de prendre telle décision. La fiction, c’est la démarche la plus magique et en même temps la plus humaine qui soit ; elle a le pouvoir de guérir, de régénérer, précisément parce qu’elle jette un pont sur nos gouffres. Nous ne saurons jamais ce que c’est d’être quelqu’un d’autre, sinon par la fiction. Une idée répandue voudrait que la fiction cherche à échapper à la réalité ; mais il n’en est rien, ou en tous cas, ce n’est pas tout. La fiction nous permet d’échapper à nous-même pour aller vers le monde ».


Au-delà du fait que j’approuve complètement ce qui est écrit dans cette longue tirade, mon attention a été attirée par l’idée de tirer un filet sur les blancs, les manques et les lacunes. Cela m’a rappelé les propos de Chantal Thomas sur la façon d’écrire le roman historique, et de combler les « trous » qui se logent entre les faits historiquement avérés. J’en avais fait un résumé ici . La cohérence de ces deux points de vue sur la notion « d’écrire la vérité des faits » est étonnante, non ?

La vérité est une notion étrange au fond. Depuis Einstein on sait que la réalité est relative ; mais ceci est pris comme une vérité scientifique. Donc la vérité existe ! Il est facile de voir ici un paradoxe. Mais n’est-il tout simplement pas inhérent à l’âme humaine d’avoir besoin de vérités, même en sachant que son ami, son frère ou son voisin peut avoir une lecture différente de cette même vérité ? L’imagination du romancier est ainsi un moyen comme un autre de donner de la couleur aux blancs, de combler les trous et de tisser une histoire qui a toutes les apparences de la vérité. Quand en plus ce moyen donne de beaux romans, qui font plaisir à lire et qui ouvrent l’âme au monde, surtout ne pas bouder son plaisir !