lundi 7 octobre 2024

Le bilan de l'été 2024... en octobre

 

Il faut se rendre à l’évidence, l’été est fini et bien fini.

C’est donc peut-être le moment d’un compte-rendu de mes lectures de l’été, que je vous avais promis.

Le premier constat, c’est qu’une liste, ça vit. Entre le moment où je l’ai construite et le moment ou j’ai commencé à lire les livres qui en font partie, des suggestions m’ont été faites et séduites. J’ai donc ajouté à mon programme L’ours est un écrivain comme les autres de William Kotzwinkle.

Et si on commençait par celui-ci ?

L’ours est un écrivain comme les autres, William Kotzwinkle

Un ours vole le manuscrit du roman d’un universitaire en mal de notoriété, et file à la ville pour le faire éditer. Le succès est immédiat et le voilà accueilli dans la société des hommes, ou son comportement surprend parfois. Mais le milieu littéraire est prêt à tout accepter pour faire partie du cercle de la nouvelle star du livre.

L’auteur, lui, entame une recherche désespérée de l’auteur du méfait, et plus l’ours se rapproche des hommes, plus lui se rapproche de la condition d’ours…

Ce livre est « vendu » comme une satire du milieu littéraire et médiatique américain, mais il est aussi une curieuse réflexion sur l’identité : est-on ce qu’on choisit d’être ou ce qu’on est par essence ? Sans spoiler la fin du livre, l’ours rencontrera un moment ou la question de redevenir celui qu’il était se posera. L’universitaire, lui, n’aura pas cette opportunité et sa vie basculera définitivement.

Plein d’humour et de comique de situation, c’est un texte parodique, caustique, facile à lire et qui pourtant donne à réfléchir. J’ai aimé et je conseille !

Né d’aucune femme, Franck Bouysse

Un jeune curé se voit confier dans le secret du confessionnal une information : sous la robe d’une femme décédée à l’asile se trouve un cahier, celui de Rose.

Rose y raconte son histoire, un terrible destin que les acteurs de son drame ont tenté de cacher. Le récit de la domination d’une jeune fille innocente par un homme et sa mère terrible douairière. L’histoire d’une fille violée, d’une fille qui aurait pu être sauvée par un homme qui n’a pas osé, de la mère qu’elle devient et de la décision qu’elle prendra et qui la condamnera.

Un roman dur, noir, implacable, ou chaque instant d’hypothétique espoir est rapidement détruit. J’avais craint le misérabilisme, l’empathie dégoulinante pour Rose, mais non. Franck Bouysse raconte, ou plutôt fait raconter l’histoire par ses acteurs, donnant à ressentir leurs émotions mais ne cherchant pas à nous attendrir dessus. Cela en fait un roman percutant, un de ceux qui ne peuvent pas laisser indifférent.

Un livre magnifique, légitimement récompensé de nombreux prix !

Le nom sur le mur, Hervé Le Tellier

Cette lecture est née d’une incompréhension. Je croyais qu’Hervé Le Tellier y racontait sa quête d’infirmations sur André Chaix, dont le nom est gravé sur le mur de sa maison, qui était un jeune résistant mort à 20 ans, en 1944.

Il s’agit plutôt d’un partage. Hervé Le Tellier nous fait part des réflexions que lui inspirent ses découvertes sur André Chaix, et sur ceux qui l’ont entouré, sa famille, sa fiancée, ses compagnons d’arme. L’auteur s’y livre à des réflexions politiques et philosophiques, Il nous restitue ce qu’a pu être la vie du jeune homme avant la guerre et donc de ce qu’était la société de l’époque. A travers un jeune homme peut-être un peu plus comme les autres que ne peut le faire penser sa condition de résistant, Hervé Le Tellier nous fait réfléchir à la vie, l’amort, le destin, le choix.

Une lecture dense et « inspirante », comme on dit de nos jours.

Hamlet, Shakespeare

Ben je ne suis pas fière de moi. J’ai lu, je me suis concentrée, j’ai relu des passages, et je suis passée à côté. Je n’ai pas réussi à m’imprégner du message que cette pièce porte, si tant qu’elle en porte un. L’impression d’une rencontre ratée.

La langue des choses cachées, Cécile Coulon 

En voici le résumé donné sur le site de Radio France (merci à eux, je n’aurais pas u faire aussi bien) : À la tombée du jour, un jeune guérisseur, héritier d'un pouvoir mystérieux transmis par sa mère, se rend au chevet d'un enfant, dans le village reculé du Fond du Puits, à l'endroit même où sa mère est venue porter secours des années plus tôt à une âme en souffrance. Il s'apprête à vivre une expérience initiatique dont ni lui ni les habitants du hameau ne sortiront indemnes.

Allons droit au but : c’est noir, très noir. Et Mystérieux. Et parfois brutal. Mais il y a dans la plume de Cécile Coulon une maîtrise de la poésie de la noirceur qui me fascine. Sans fioritures, dans un texte bref et intense, elle nous emmène aux limites de l’âme humaine, de la brutalité des hommes (pas des humains, des hommes) et de la toute-puissance de la nature.

Je n’ai pas envie de faire une critique du livre, seulement de vous dire qu’il m’a fait vibrer, presque au sens propre, qu’il a résonné en moi. Et c’était très fort.

Sud, Antonio Soler 

Dans une ville espagnole écrasée de chaleur, un grand nombre de personnages se croisent, essaient de vivre leur vie, des vies minuscules et tragiques, des vies difficiles. Tels des fourmis qui apportent leur contribution à un édifice collectif qui broie chacun, ils n’atteindront peut-être jamais leur but.

Antonio Soler peut vous décrire la ville qui fond sous la canicule à chaque fois d’une façon différente, poétique et imagée, et cela m’a séduite. Mais tous ses vies qui s’entrecroisent, décortiquées dans leur moindres microscopiques détails, n’ont pas réussi à m’accrocher. J’ai abandonné à mi-parcours.


Depuis que les vacances sont finies, j’ai lu bien d’autres livres dont j’ai envie de vous parler. Je vous donne donc rendez-vous… bientôt 😉

mercredi 19 juin 2024

quelles lectures pour l'été 2424 ?

 


 

Récemment, j’ai dit sur BlueSky : « Je n'ai pas encore fait ma liste de livres pour l'été. C'est grave docteur ? »

Personne ne s’est prononcé sur le fond de la question, donc je ne sais toujours pas si je suis malade ou pas. Mais un intérêt pour ma liste et pour les raisons de mes choix a été manifesté. Donc j’ai envie de répondre.

Ah, pourquoi choisit-on un livre plus qu’un autre ? C’est une question qui pourrait être posée dans un café philo : pourquoi cet ouvrage et pas celui-ci ? Cela tient parfois à presque rien, la couleur de la couverture, l’humeur du moment, une envie longtemps refoulée, un désir de découverte… C’est quelque fois aussi un choix raisonné, pensé longtemps à l’avance. Et puis certaines fois c’est juste une pulsion, un geste non prémédité.

Bon, j’ai la chance, je suis capable de répondre à la question. Voici donc mon projet de l’été et ses raisons. Je le suivrai à la lettre… ou pas, après tout je reste libre ! Et qui peut dire à l’avance quel livre croisera ma route, au hasard d’une visite de librairie – j’ai déjà raconté le tourisme bibliophile que ma moitié et moi pratiquons – ou du passage chez des amis ?

Donc pour l’instant, voici la liste des heureux élus :

Né d’aucune femme de Franck Bouysse : parce qu’on peut se tromper. J’ai tendance à me méfier des livres dont on parle trop, comme ce fut le cas de celui-là. Je crains toujours l’effet de mode. Mais dans le cas de ce roman, je me dis que peut-être vais-je prendre plaisir à la lire.

Le nom sur le mur d’Hervé Le Tellier : parce que L’Anomalie était un livre formidable, parfaitement maîtrisé, et que l’auteur a su faire le pas de côté qui évite l’écueil du « roman d’après le Goncourt »

Hamlet, de Shakespeare : parce que je n’ai jamais lu le grand William, et qu’il n’y a pas d’âge pour commencer

La langue des choses cachées, de Cécile Coulon : parce que j’ai beaucoup aimé Le rire du grand blessé, qui m’avait été prêté d’ailleurs, et que le litre contient le mot langue (dans une autre vie, j’aurais pu être linguiste).

Sud d’Antonio Soler : parce que je m’intéresse à la littérature espagnole, que je n’ai jamais lu Soler et que la couverture a attiré mon regard

Et vous, votre liste de l’été ?

lundi 15 janvier 2024

Bilan, objectifs et réflexions



Il fait un froid de canard dehors, et des chasseurs sont dans les parages. Cela ne donne pas trop envie de sortir, mais plutôt de partager mon année 2023 de lectures.

J’ai lu au total 45 livres, dont 8 essais, la plupart d’entre eux pour mon travail.

Alors 45, bien ou pas bien ? En fait, ce n’est pas comme ça que je me pose la question. Ce qui me semble important est : est-ce que je me suis fait plaisir ? D’un point de vue purement chiffré, je me suis fait vraiment plaisir sur 12 livres dont je vous ai parlé ici pour le 1er trimestre, ici pour le second, et là pour la dernière moitié de l’année. Mais pour une raison que je ne m’explique pas, je garde l’impression d’une année mitigée. D’une année en demi-teinte.

Peut-être que le besoin de lire beaucoup pour le travail, des essais donc, me donne le sentiment de m’être peu consacrée aux romans. Et ce n’est pas faux, 36 œuvres c’est une petite année, toujours en termes de quantité. Pas assez pour une sensation de plénitude littéraire, pour me sentir nourrie par mes lectures.

Alors certains me demanderont quel est mon objectif de lecture de romans pour 2024. Ce sujet a fait l’objet de débats sur BlueSky. Des internautes qui ont lu 110 livres en 2023 et visent 120, d’autres qui en ont lu 10 et s’interrogent sur un objectif raisonnable, d’autres enfin heureux d’avoir lu un livre après des années d’abstinence, et ne demandant pas beaucoup plus pour l’année qui s’ouvre.

A tous j’ai répondu que je n’avais jamais d’objectif, même si je note dans un fichier toutes mes lectures et que j’en tire des bilans. Que ma seule envie était de me faire plaisir en lisant, ce qui veut dire : lire de bons livres (de mon point de vue, hein, à chacun ses goûts) ; découvrir des univers, des lieux, des cultures, des façons d’être au monde à travers ces romans ; sortir de cette lecture avec un petit truc qui a changé en moi.

Au-delà du plaisir d’entrer dans une œuvre artistique, la lecture est une façon pour moi de ne jamais me reposer sur ce que je crois savoir, sur mes certitudes ou mes croyances. C’est une façon de me laisser provoquer par l’auteur ou l’autrice, c’est accepter de me remettre un peu en cause. C’est rester ouverte sur le monde. Ouvrir un lire, c’est un peu ouvrir une fenêtre, ou ouvrir les yeux.