Que votre réponse soit oui ou non, laissez-moi vous raconter mon dernier gros agacement avec ce magazine… et toute l’ambiguïté de cet énervement.
Quand j’ai vu cette une : « les 25 meilleurs livres du XXIe siècle », mon sang n’a fait qu’un tour. J’ai fulminé. Ronchonné. Grogné entre mes dents.
« Mais tu déconnes, Télérama ! Nous ne saurons jamais quels romans seront les meilleurs de ce siècle ! Il faudra laisser le temps faire son œuvre, que la poussière retombe, que les romans insignifiants disparaissent, et que les meilleurs surnagent. Nous serons morts. Et puis comment savoir maintenant, en 2025, que ces romans dont tu parles dans tes pages seront encore lus en… 2125 ? Bref tu ne t’enverrais pas un peu en l’air, là ? »
Et puis… difficile de ne pas être curieuse. De ne pas jeter un œil froid sur les pages en question, en haussant un peu les épaules ou les sourcils. Et de ne pas finir par se prendre au jeu et finalement lire avec sincérité ce palmarès.
Il y a ceux que je n’ai pas lu, ceux que je ne lirai jamais, ceux au bout desquels je ne suis pas arrivée, ceux que je ne connais pas, ceux que j’ai aimé aussi et enfin ceux que j’ai envie d’inscrire sur ma liste.
Vous me suivez ? Visite guidée de cette liste en toute subjectivité !
25. La carte et le territoire, Michel Houellebecq. J’ai horreur du personnage et de la complainte au pauvre mâle blanc qui se ne reconnait plus dans notre époque. Je ne lirai plus cet auteur.
24. Une histoire d’amour et de ténèbres, Amos Oz. Je ne connais pas, le sujet a l’air passionnant – les mémoires de l’auteur, son enfance à Jérusalem- mais je ne suis pas tentée.
23. Neige, Orhan Pamuk. J’ai essayé, j’ai calé. Pas pu m’expliquer pourquoi, le sentiment de passer à côté. Peut-être pas le bon moment, peut-être pas mon type de lecture.
22. Les argonautes, Maggie Nelson. Je ne connais pas.
20 ex-aequo. Purge, Sofi Oksanen. Je ne connais pas non plus.
20 ex-aequo. La plus secrète mémoire des hommes, Mohammed Mbougar Sarr. Un roman complexe, qui tisse des liens étonnants entre des lieux des personnes, des époques. Une lecture que j’ai beaucoup appréciée !
19. La bascule du soufre, Herta Muller. Je ne connais pas.
18 ex-aequo. Underground railroad, Colson Whitehead. Je n’ai jamais lu cet auteur, mais j’ai souvent été tentée. Qu’il soit dans ce classement augmente ma curiosité.
18 ex-aequo. O, Miki Luikkonen. Cent personnages souffrant toutes d’une psychose, sept journées : ca me parait un tantinet compliqué, pas envie de me plonger là-dedans.
16. La fête au bouc, Mario Vargas Llosa. Est-il possible de dire que je me suis ennuyée en le lisant ? Et que les convictions économiques très libérales de cet auteur me tiennent éloigné de lui ?
15. La végétarienne, Hang Kang. Elle a reçu le Nobel en 2024, je n’en avais jamais entendu parler avant car elle avait été peu traduite en français. Une occasion de la découvrir ?
14. Kafka sur le rivage, Haruki Murakami. Une belle part d’onirisme et fantastique dans ce texte très romanesque, j’ai pris plaisir à le lire. Mais je m’interroge : si c’est vraiment une fable, comme le dit Télérama, quelle est sa morale ?
13. La Maison des feuilles, Mark Z. Danielewski. A ce stade je dois reconnaître que je commence à être vexée d’encore ne pas connaître.
12. Solénoïde, Mircea Cartarescu. Bis repetita…
11. Le Lambeau, Philippe Lançon. L’attentat contre Charlie Hebdo m’a profondément marquée. Pas osé lire ce texte, par peur d’être submergée par l’émotion
10. Americanah, Chimamanda Ngozi Adichie. Une autrice dont on parle beaucoup pour son dernier livre, L’inventaire des rêves. A rajouter sur ma liste, indéniablement !
9. L’adversaire, Emmanuel Carrère. Pas passionnée par les grands crimes et leurs mystères, je n’ai pas lu ce livre. Mais il a été lu à la maison et apprécié !
8. L’année de la pensée magique, Joan Didion. Il y a quelques années je m’émouvais sur ce blog de lire peu de livres écrits pas des femmes. Une amie m’a conseillé Joan Didion (entre autres), il serait donc temps que je me lance.
7. Les Livres de Jakób, d’Olga Tokarczuk. Encore un Nobel que je n’ai pas lu ! Il y en a beaucoup, des Nobel, remarquez, et aussi pas mal que j’ai lus. J’en ai parlé dans cet article.
6. Les Années, Annie Ernaux. Si la plume d’Annie Ernaux est superbe, je ne suis pas fan de cette littérature qui ne raconte rien ou peu. C’est pourquoi j’ai du mal avec Modiano, et avec Ernaux.
5. La Tache, Philip Roth. Un auteur qui ne sera hélas jamais Nobel (il y en a beaucoup dans cette liste). La Tache est un roman impressionnant, qui donne à réfléchir, et qui n’a hélas rien perdu de son actualité.
4. La Route, Cormac McCarthy. Avec presque rien McCarthy compose un récit haletant, pesant, il nous renvoie un miroir grossissant de l’humanité. Formidable ! Et puis j’aime le post-apocalyptique, il faudrait que j’en parle ici, un jour.
3. La Fin de l’homme rouge, Svetlana Alexievitch. Pas lu mais il a été lu à la maison, perçu comme marquant, dur, racontant des choses inimaginables.
2. Austerlitz, W.G. Sebald. Ne découvrant cette liste, ma moitié voulu le lire. Il lui a semblé qu’il fallait s’accrocher, qui qu’il fallait être dans le bon état d’esprit. Calage au bout de 20 pages.
1. 2666, Roberto Bolaño. J’ai calé, trop difficile à lire. Triste de cet échec.
La lecture complète de ce palmarès m’inspire quelques réflexions.
D’abord, il est élitiste. Normal me direz-vous, puisqu’il s’agit de rechercher les meilleurs textes. Mais quand je constate que j’en ai lu seulement 6 et que j’ai calé sur 2 autres, je me demande qui a pu lire tout cela. Tout simplement les personnes qui ont participé à le construire : des écrivains, éditeurs, libraires, traducteurs, critiques universitaires français et internationaux. Je me demande à quoi ressemblerait le palmarès du grand public. En tous cas le mien serait sans doute plus accessible à tous que celui-ci.
Ensuite, une belle présence des Nobel de littérature. Ce qui valide que c’est un prix pertinent, même s’il récompense parfois des auteurs difficiles à lire.
Enfin, il me confirme que les palmarès c’est bien beau, ça peut fournir des idées de lecture, mais qu’au fond rien ne compte plus que le plaisir de lire. Un roman de gare, un polar, un texte feel-good, ça peut valoir autant qu’un chef d’œuvre en termes de plaisir. Eprouver du plaisir en lisant, même un livre dur, une histoire très noire, un essai un peu technique, c’est la porte ouverte à apprendre quelque chose, à s’enrichir de sa lecture. Un grand texte trop aride pour le lecteur moyen, disons moi, louperait cet objectif.
Reste la question vertigineuse du livre qui fait réfléchir, voire qui transforme votre vie. Sans cette liste s’en trouvent certainement quelques-uns. J’en ai rencontré pas mal de la première catégorie, et j’adore ça. Mais aucun de la seconde. Et vous ?
Si vous voulez en savoir plus sur ce palmarès, l’article
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