Ou du moins c’est ce qu’ont dit certains lecteurs. Je
partage leur avis. Oui mais voilà…
Au printemps, j’ai écrit, beaucoup. J’y ai passé du temps.
Puis en automne j’ai lu, relu, corrigé, mis en page… Enfin, depuis un grand
mois, comme tout auteur qui se respecte, je me suis occupée de faire la
promotion de
D’un monde à l’autre. Et dans tout cela, j’ai
négligé nos deux chênes !
Le vieillard se débat toujours contre la maladie et
l’insouciante poussée de sève de son rejeton. Antoine a écrit sa lettre aux élus
potentiels, et organisé son voyage en Finlande. Voici où nous en sommes.
Que va-t-il se passer maintenant ? Je lance ici un
appel solennel à suggestions : qu’imaginez-vous pour la suite ?
Donnez-moi via des commentaires vos idées et je les écrirai. Antoine ira-t-il
en Finlande ? La stratégie du professeur Hapstein marchera-t-elle ?
Le vieux chêne sera-t-il sauvé ? Et le jeune ? Qui a gagné les
élections ? Bref, mettez-votre imagination (celle qui manque aux
livres du futur) en marche, donnez-moi des pistes en quelques lignes et nous finirons
ensemble cette nouvelle communautaire !
Rappelez-vous, le texte déjà écrit l’a été en sept parties,
par 5 contributeurs dont ma plume.
Et voici pour ceux qui ont la mémoire courte la nouvelle à
finir « Chêne adolescent » :
Un
peu en retrait du chemin poussait un chêne. Un tronc presque droit, une ramure
équilibrée, il avait tout de l’arbre vénérable. A ses côtés, un rejeton avait
pris racine. Haut de deux mètres environ, ses rares branches se jetaient
farouchement à l’opposé de son grand frère, comme si une force magnétique les
repoussait. Cela lui donnait un aspect tordu et grêle, d’un bel effet comique.
Un
observateur passant par là un jour de soleil aurait vite compris que le petit
arbre recherchait avidement la lumière, absorbée par l’abondant feuillage du
chêne dominant. Aucune force de répulsion là dedans !
On
pouvait imaginer le jeune blanc-bec pestant en son for intérieur, se demandant
quand l’autre crèverait et lui laisserait enfin profiter du soleil et se redresser.
Et l’observateur aurait eu envie de lui conseiller de ronger son frein…
Les
hôtes, il n'en avait pas manqué pourtant.
Un
troubadour, ivre de ses strophes, avait bien livré quelques confessions sur des
cahiers aux rythmes de guitare. Il avait presque osé graver les petits noms
d'Hélène ou de la Jeanne sur le tronc du vénérable feuillu. Vinrent également
de respectables charpentiers songeant à de robustes chevrons, des bûcherons
enhardis par le marché du bois de chauffage et même un évêque... Pourquoi un
évêque me direz-vous ?
Un
projet de création de chapelle dédiée à Sainte Félicie avait cours à cette
époque, l'argument majeur semblait se teinter de piété mais le but était bien
différent. Il s'agissait de fournir quelques précieux subsides au pauvre
diocèse. Après tout, n'y avait-il pas un exemple à Allouville-Bellefosse
en Normandie ?
Et
le petit chêne, tout tordu, dépossédé de lumière frémissait d'envie à la vue de
si augustes personnages. Ce n'est pas sur ces flancs que s'exposeraient les
ébauches d'amoureux de passage.
Mais,
vint à son tour une dernière visite, sinistre, envahissante,
nécrosante pour le bel arbre : la phytophthora ramorum.
La maladie s'installa rapidement, infiltrante et pénétrante comme les rayons de
soleil de cet automne qui allait s'avérer funeste pour l'un des deux arbres.
Ce furent donc désormais plutôt des spécialistes agricoles, forestiers et
pépiniéristes qui défilèrent devant les deux arbres. Il était fascinant de
constater comme la maladie semblait les réunir et les prendre tous deux d'une
même étreinte. Les troncs, feuillages, branches et écorces des deux arbres
portaient les mêmes stigmates : colorations effritantes et crevasses
pourrissantes.
Les deux arbres ne semblaient plus se déployer vers le ciel dans des directions
opposées mais s'enfoncer ensemble dans le sol d'un même épuisement maladif et
des mêmes reflets soufrés. Des photos furent prises, des articles parurent dans
la presse locale, puis nationale.
C'est alors qu'on découvrit que le grand arbre avait été planté là par les
grands parents paternels de l'un des deux favoris à l'élection présidentielle
de 2012 ! Dès lors ce fut une nouvelle vague de visiteurs, journalistes et
analystes politiques. Il se produisit une véritable floraison hivernale d'articles
sur nos partis politiques, aussi malades que les deux arbres, par le manque de
lumière du à la prééminence d'un chef hyper-écrasant et par les crevasses
décolorantes dues aux égoïsmes et rivalités permanentes...
Désormais, les deux chênes, unis
dans la déchéance de leurs êtres, devinrent les symboles d'une France en crise.
Le défilé incessant des candidats souillait la nature encore fraiche à leurs
racines.
Les plus véhéments à haranguer
les citoyens au pied des deux grands malades étaient les écologistes, armés
d'un bataillon de photographes, d'équipes de tournage, de maquilleurs,
sans compter les redoutables attachés en communication, piétinant les herbes,
rabrouant les mousses, écrasant les bois morts, afin de rendre l'endroit
praticable pour l'éminence du parti.
Sentant soudain l'électorat
sensible à la cause, la droite se fit forte de redorer son blason en décrétant
que l'éradication de la phytophthora ramorum deviendrait une priorité nationale
suite à l'élection, et que plus que jamais le chêne représentait l’emblème du
mouvement.
La gauche voyait dans ce tableau
l'allégorie du faible contre le fort, la lutte des classes, le combat ouvrier,
et calomniait à mots couverts le candidat de droite en le comparant au chêne
adolescent. Elle susurrait que, tout comme lui, le jeune chêne
n’avait survécu jusque-là que grâce à la protection du vieux, et qu’à
présent, ce roquet s’emparait de sa sève pour subsister.
Devant les bassesses des petits
hommes, les deux chênes, qui en avaient vu d’autres, sentaient la pourriture
les étreindre et le changement se profiler. Bientôt, leur vigoureux
houppier d’antan ne serait plus qu’un tronc écourté et colonisé par des
mousses et insectes.
Pendant
ce temps, les océans, mers et étendues d’eaux n’avaient de cesse, plus que
d'envie de rappeler à l’ordre ce ramassis de fossoyeurs terrestres, face à la
destruction massive des espérances de rappeler chacun à ses obligations.
Personne ne s'en préoccupait. C'est en observant un à un des immeubles marins
remporter une victoire silencieuse sur la quête d’évasion des peuples, que
trente-sept y ont laissé la vie, presque dans le plus grand silence... Ils
étaient plus de vingt plus de cent ils étaient des milliers à pleurer désormais
sur leurs erreur, d’avoir voulu, d'avoir tenté d'oublier leur malheur en misant
sur leurs petites ou grandes économies à seule fin de se la couler sur la
grande bleue et tenter de voir ailleurs si le meilleur s’y trouvait.
Même les eaux de la terre n’ont pas attiré l’affliction justifiée par ces
tristes événements. Sur ces lieux sinistrés, aucune estafette de droite, de
gauche, du centre, de vert, de rouge, de … Personne et pourtant… Pendant ce
temps, un arbre, gros certes, dont on a dit qu'il était de la catégorie des
chênes, alors donc, un vieux chêne malade, un leurre, une chimère monétaire,
tente pour sa part d’éviter les secousses en passant entre les meetings, les
naufrages, les massacres de journalistes, pour tenter de faire oublier qu'après
avoir mené le sol de ce monde, il a avec plus que de passion, jouit et abusé de
quelques feux de rampe et joyeux joyaux sans contrainte mais avec le soutien de
quelques magnats, promoteurs, et autres grands de ce monde. Le vieux chêne
s’est politiquement, humainement énucléé dans une sombre chambre, d’une non moins
sombre histoire. Médias et masses se sont infiltrés dans les dernières branches
auxquelles il a tenté de faire appel pour évoquer sa grandeur passée. Quelle
tristesse pour un vieil arbre, mais quel honneur pour la nature. Quelle belle
loi que celle de l'immuable éviction des produits malades, condamnés à un
pourrissement naturel afin de fourbir terreau et tourbe pour voir refleurir de
gauche, de droite, du centre des bois, des plaines et des jardins, ces jeunes
glands qui s’enracineront et dont on saura avec le temps s’ils sont faits pour
durer.
De nos deux chênes l’un plus que l’autre est appelé à en tomber… de cette
volonté de grandir. L’on sait maintenant que seul l’enracinement est la valeur
de l'humble. Soyons donc pauvre pour vivre mieux. Mais ne mélangeons pas les
propos, ni les candidats à la prestigieuse étole, ni les imposteurs, ni les
diffamateurs ne trouveront de place dans le terroir. Qu’est-ce que le chêne
sinon un gland à faire germer ? Quel boutonneux se dégagera ?
Le meilleur rassemblement ne procède-t-il pas d’une simple observation de notre
mère nature : le jasmin? le chêne ? Et le cèdre aujourd'hui que devient-il ?
La chambre n’est éclairée que par l’écran de l’ordinateur sur
le bureau et une petite veilleuse à côté du lit, à l’opposé de la pièce.
Concentré, le visage du jeune homme est troublé des ombres et lumières de la
page affichée. Il a dix-sept ans, il ne vote pas. Il se fiche bien des
déclarations des candidats de droite, de gauche ou du milieu, toutes inaptes
selon lui à sauver les chênes. C’est son unique préoccupation. Le petit arbre a
sans doute son âge. Ou peut-être pas, mais il aime à y croire. C’est son frère,
son cousin, le jeune qui tente d’exister à l’ombre du vieux. Comme lui. C’est
qu’ils sont tellement usants, ses parents, à lui faire des leçons sur la vie
d’adulte ! Mais il a son plan pour les surprendre, on verra ce qu’on
verra.
L’heure du
rendez-vous Skype approche. Le Professeur Hapstein va enfin lui donner les
résultats de ses analyses.
- Bonjour Professeur.
- Hello Antony.
Le professeur a du mal à l’appeler Antoine, bien qu’il parle
parfaitement français.
- Comme nous l’avions convenu, J’ai examiné les deux
échantillons avec cette nouvelle méthode d’imagerie nucléaire. Tu sais que tu
as un sacré instinct, boy ?
Antoine rougit. Il se rappelle ses observations, il ya
quelques mois. Une infime nuance dans les colorations effritant l’aubier et
s’enfonçant dans le bois des deux arbres. Un peu plus rouille sur l’ancien
tronc, un rien plus blond sur le cadet. Il avait alors entamé de longues
recherches sur Internet : aucune mention de phytophthora ramorum de
couleur blonde.
La maladie était
quasi impossible à soigner, usuellement on finissait par abattre et brûler les
chênes atteints. L’épidémie ne se propageait pas aux autres variétés, le jasmin
et le cèdre étaient protégés.
- Je vous écoute, prof.
- Eh bien il s’agit d’une forme mutante de la phytophthora,
inconnue chez nous aux US. Je ne sais pas pourquoi le champignon a évolué, mais
ça ouvre peut-être des perspectives de traitement. Je te propose de continuer
mes recherches et pour cela…
La conservation se
poursuivit tard dans la soirée. Antoine était très excité. Dans cette dernière
ligne droite avant les élections (premier tour dans deux semaines), il allait
donner une leçon aux candidats. Ça ne sert à rien de causer, il faut agir.
Et proposer quelque chose de concret. Le plus gros des deux chênes est
condamné. Alors pourquoi ne pas y creuser cette fameuse chapelle qui laissera
un souvenir aux futures générations ? Et élaguer ses plus grosses branches
pour donner de l’air et de la lumière au plus petit, ce chêne adolescent que le
plan de bataille du professeur Hapstein pourrait sauver, peut-être.
Enfin un peu d’espoir
dans cette campagne électorale fermée et parfois stupide. Sans attendre, il
commence à écrire une lettre ouverte aux aspirants présidents, qu’il enverra
cette nuit même aux journaux.
Au fond de lui, Anthony a une idée
du nom qui apparaîtra le dimanche a 20 heures sur tous les écrans de
télévision, mais pour le moment ce n'est nullement sa préoccupation, car il est
plongé dans une forme d'hypnose, sauver cet arbre relève de l’obsessionnel. Son
souci majeur: Sauver le chêne
adolescent, il a entendu une fois comme ça par hasard qu'en Finlande, pays
maîtrisant l'industrie et le traitement du bois, que les scientifiques
arrivaient a stopper certains maux qui rongeaient les arbres, c'est décidé, il
ira en Finlande voir ça de plus près, mais il partira le lundi, il voudrait
d'abord partager avec ses camarades la victoire de son candidat, même si avant
il donnait l'impression qu'il ne s'intéressait pas a ces élections.