jeudi 24 juin 2021

non au vocabulaire guerrier

 

dépassons le mythe du guerrier gaulois, préférons la colombe de la paix !
dépassons le mythe du guerrier gaulois, préférons la colombe de la paix !

J’ai horreur du vocabulaire guerrier, en toutes circonstances, que ce soit pour le rugby, une crise sanitaire ou dans le monde de l’entreprise, par exemple.

Je suis une pacifiste, je rêve d’un monde sans haine, d’un monde fait d’amour du prochain et de bienveillance ou les mots de la guerre n’auraient pas leur place.

J’imagine déjà, à me lire, des sourcils qui se lèvent, des sourires en coin… Des pensées comme « peace and love ? mais elle a 50 ans de retard ! » Peut-être, mais je l’assume.

Le vocabulaire guerrier est partout, et maintient une atmosphère latente de lutte, une idée subreptice qu’il faut, pour se faire sa place au soleil, écraser l’autre, une sorte de philosophie faisant de la vie un acte de survie. Eh bien ça m’énerve !

Examinons le cas du rugby. De nos jours, on adore comparer le joueur à un guerrier, on met en avant le « duel » entre deux joueurs. Revenons donc au sens des mots : un guerrier est un homme qui fait la guerre, un duel est un combat visant à trancher un conflit, par la blessure ou la mort de l’adversaire. C’est ça le rugby ? Je ne crois pas. Un joueur est d’abord une personne qui joue, l’enjeu n’étant que de marquer plus de points que l’adversaire. Et un joueur est avant tout le membre d’une équipe, ou tous coopèrent, s’épaulent, se passent la balle, se soutiennent pour aller marquer. Si le rugby est décrit comme un sport de combat, le combat vise à conquérir la balle pour marquer, pas à blesser ou tuer l’adversaire !

Sur le vocabulaire guerrier dans le sport en général, je renvoie à cette intéressante vidéo : https://video-streaming.orange.fr/sports-extreme/le-vocabulaire-guerrier-du-sport-francois-da-rocha-CNT000001d3Q3a.html, qui explique comment est apparu ce champ lexical. D’accord il y a des raisons historiques, mais ne peut-on pas les dépasser ?

Passons au monde de l’entreprise. On aime à parler de guerre économique pour « désigner la concurrence exacerbée entre entreprises, celle-ci se manifestant par des pratiques agressives (espionnage industriel, dumping…) », définition empruntée à Wikipedia. Dans ce contexte, l’utilisation du mot guerre peut se comprendre. Mais doit-on pour autant user de rhétorique guerrière pour motiver les collaborateurs d’une entreprise ? Flashback : repartons 25 ou 30 ans en arrière. Mon chef de service, pour nous motiver, nous passe une scène du début de Le Retour du Jedi, ou Dark Vador arrive à bord de l’Etoile Noire en reconstruction, et s’inquiète de la capacité à tenir les délais. Notre chef nous montre comment le vocabulaire utilisé s’adapte à celui de l’entreprise. Sauf que… dans le film il s’agit de construire un engin de mort, une arme de destruction très massive. Deuxième flashback : repartons environ 20 ans en arrière. Mon service avait des difficultés avec un autre, et notre chef énervé nous parle de le clouer au mur avec un sabre et de bien remuer le sabre pour faire couler le sang. Quand j’y repense, mon sang se glace. J’ai aussi assisté à des amphis ou on nous parle de « conquête » (en fait de gagner des parts de marché) et ou tout le vocabulaire utilisé fait de nous des soldats de cette conquête ; ainsi on nous demande de nous mettre « en ordre de bataille » pour… Dans ce cas, je me recroqueville, je m’évade par la pensée pour échapper à tout ce qui est sous-entendu dans un tel discours. Je suis salariée d’une entreprise, pas une combattante.

Enfin, la crise sanitaire. Est-il possible d’être en guerre contre un virus ? Utilisons encore une fois Wikipédia, voici une partie de la définition de la guerre qui est proposée sur ce site : « Une guerre est précédée d'une revendication ou d'un casus belli, d'un ultimatum, puis d'une déclaration de guerre ; elle peut être suspendue par des trêves, un armistice ; elle se termine par la reddition d'une armée, la capitulation d'un gouvernement, puis la signature d'un traité accordant ou refusant les revendications initiales, le paiement de compensations, et le retour à l'état de paix. » Y a-t-il eu une revendication de la part du virus ? Y aura-t-il un armistice ? La reconnaissance par une des parties (le virus ou l’humanité) qu’elle a perdu le combat ? Bien sûr que non ! Cependant le vocabulaire de la guerre est partout : première ligne, seconde ligne, conseil de défense. Allons un cran plus loin dans l’analyse. Sur le site de l’Elysée (un truc très officiel donc), on trouve cette définition : « Spécificité française, le Conseil de défense et de sécurité nationale est un conseil des ministres en format restreint, présidé chaque semaine par le Président de la République, pour coordonner la politique de sécurité et de défense nationale. » Donc on peut mettre en place un conseil de défense quand la France est attaquée, par une autre nation ou part des terroristes, mais est-ce que le virus menace notre sécurité ? Il me semble qu’il menace notre santé, ce qui est d’un tout autre ordre. N’aurait-on pas pu trouver d’autres mots ? Je ne suis pas linguiste et j’ai du mal à trouver de bonnes propositions. Essayons tout de même.

Pour « première ligne », le wiktionnaire propose « première série d’intervenants dans une action ». Pourquoi pas « premiers intervenants » alors ?

Pour « conseil de défense », dans le cadre de cette crise, il ne définit pas « les orientations en matière de programmation militaire, de dissuasion, de conduite des opérations extérieures » (encore merci Wikipedia), il définit des orientations en termes de gestion de la crise, de programmation hospitalière, de moyens de soins, de limitation de la propagation de l’épidémie. Pourquoi pas « conseil sanitaire » ? Ou « conseil de protection » ?

L’utilisation du vocabulaire de la guerre dans ce contexte fait débat même chez les linguistes, comme le montre cet article du Figaro https://www.lefigaro.fr/politique/guerre-ennemi-premiere-ligne-le-vocabulaire-d-emmanuel-macron-est-il-pertinent-face-au-coronavirus-20200326

Bien que n’étant pas linguiste, il est possible de faire des propositions de vocabulaire moins belliqueux, moins stressant. Les mots de la guerre sont sans doute utilisés dans bien d’autres contextes que ceux qui ont servit d’exemple ici. Je les crois omniprésents, et cela me contrarie car l’idée de guerre ne doit pas être notre guide au quotidien, et notre héritage gaulois ne doit pas être un prétexte ;-) ! Je vous propose d’éviter tous ensemble ces mots, et de préférer des mots plus pacifiques, des mots de la paix, de l’entraide, de l’amour du prochain.

lundi 14 juin 2021

2021, un bon millésime de lecture

 2021 s'annonce décidément sous de meilleurs auspices littéraires que 2020 : j'ai beaucoup lu depuis la dernière fois que je vous ai écrit, sans que le confinement me pèse trop pour lire.

Je ne résiste donc pas au plaisir d'un rapide compte-rendu de lecture: des bonnes, des mauvaises, des réussites et des déceptions, bref la vie quoi... Voici donc un aperçu de mon millésime 2021 :-)

Terres brûlées, Eric Todenne

Un polar original, qui se déroule en Lorraine, entre aujourd’hui et des drames de la 2ème guerre mondiale, dans cette région ou la guerre fut parfois fratricide.

Bien sûr le flic est un personnage un peu convenu, cabossé, ne suivant pes les règles… Mais l’atmosphère et l’histoire m’ont séduite.

L’enfant de la prochaine aurore, Louise Erdrich

Un roman de « fin du monde », ou à la suite d’une catastrophe biologique, les espèces évolue à l’envers, donc régressent. Les femmes enceintes sont traquées et internées dans des hôpitaux dignes de prisons, par un état totalitaire. L’héroïne, jeune femme indienne adoptées par des blancs, tente de protéger sa grossesse et aussi de renouer avec ses origines.

Louise Erdrich est une grande romancière, et ce roman apocalyptique, ou rien ne sera épargné à l’héroïne, est très réussi. Un soupçon de La servante écarlate, de 1984 peut-être, bref des influences qui affleurent mais une œuvre à part entière, magistrale, dans laquelle la culture native american tient une place à part.   

nota: cette fois-ci ce n'est pas une coïncidence (cf mon précédent billet), c'est un choix en sachant parfaitement en quoi ce livre résonne avec l'actualité ! 

Autour du monde, Laurent Mauvignier.

Une série de courts textes qui s’enchainent subtilement, racontant des personnes ordinaires dans des moments ordinaires sauf que… ce moment est celui de la catastrophe de Fukushima au Japon. Ces saynètes interrogent le sens de la mondialisation actuelle, les humains qui se déplacent au gré de leurs caprices à travers le monde sont-ils loin ou près d’eux-mêmes et des autres ? Qui sont-ils au fond ? Le regard que l’auteur pose sur leurs minuscules existences est celui d’un romancier qui s’investit dans ses personnages, leur donne chair et vie, mais pose clairement la question du sens de notre façon de vivre. Un roman qui prend un sens particulier quand nous subissons une pandémie qui nous a obligés à nous éloigner les uns des autres.

J’ai mal à mon rugby, Olivier Magne 

Je voulais comprendre pourquoi j’ai du mal avec le rugby moderne, Olivier Magne a su mettre des mots sur ce qui me chiffonnait et remonter à la source de la dérive. Bref, une lecture pas littéraire mais qui m’a bien plu.

Komodo, David Vann

Une femme épuisée par ses deux jumeaux et ne recevant aucun soutien de son mari retrouve sa mère et son frère dans l’île de Komodo pour une semaine de plongée ou tout va déraper.

Je n’ai pas réussi à comprendre ou à éprouver la moindre empathie pour cette femme et sa dérive, qui va l’amener à gestes extrêmes. Bien en dessous de Sukkwan Island  d’un point de vue littéraire et du point de vue de l’histoire racontée

 Le Grand Meaulnes, Alain-Fournier

Je ne sais pourquoi il me trottait dans la tête depuis longtemps de relire ce roman… Quel plaisir de lecture ! Encore un de ces romans qu’on fait lire à des adolescent, à qui il doit très certainement parler, mais qu’il faudrait aussi lire à l’âge adulte, quand toutes les merveilles littéraires qui y sont incluses vous sautent aux yeux !

Par contre, je déteste ces éditions avec des notes indiquant que le nom de lieu machin fait référence à tel endroit de l’enfance de l’auteur, un roman doit pouvoir se lire pour lui-même, sans indications de ce genre.

Le jour d’avant, Sorj Chalandon

Histoire prenante que celle de cet homme qui veut venger la mort de son frère à la mine, et le suicide de son père qui a suivi. Avec une construction très progressive, ou la vérité se fait jour très lentement, à pas comptés. J’ai aimé ce roman, même s’il n’est pas un des plus forts de l’auteur et même si sa fin me semble tourner un peu court.

Trois, Valérie Perrin

Trois enfants pris dans une amitié fusionnelle au point que rien n’existe autour d’eux, devenus trois adultes que la vie a séparés sans qu’ils aient vraiment compris pourquoi. Une voiture trouvée au fond d’un lac, avec un cadavre à l’intérieur, va raviver des souvenirs enfouis.

Ce qui m’avait plus dans les 2 précédents romans de l’autrice, c’était la force de vie incroyable des personnages principaux, leur générosité malgré les malheurs, et une certaine légèreté dans leur façon de vivre. Rien de tout ça ici, les trois héros se sont abimés dans une certaine forme de médiocrité qui ne les rend pas sympathiques. Par contre, le récit est très bien conçu, ne faisant émerger les souvenirs ou les événements que lentement, laissant le lecteur en haleine. Bref, un bon moment de lecture mais aussi exceptionnel que les deux premières œuvres.

Chandelles noires, John Le Carré

Je ne suis pas fan de Le Carré, les romans d’espionnages ce n’est pas mon truc. Mais ici, mon homme m’a dit qu’il s’agissait d’un polar plus classique avec une ambiance à la Agatha Christie. Il avait raison ! La femme d’un professeur de collège privé britannique est assassinée, et nous voilà plongés dans un de ces milieux corsetés dont l’Angleterre a le secret, pour suivre une sacrée bonne enquête.

Vous plaisantez Monsieur Tanner, Jean-Paul Dubois

Ou le récit des malheurs d’un homme qui fait restaure une vielle maison, confrontés à des artisans un peu escrocs, peu compétents, etc…

Je n’ai pas beaucoup accroché car j’ai du mal à comprendre qu’on puisse systématiquement se foutre dans de telles emmerdes, systématiquement faire les plus mauvais choix, sans jamais arriver à se dire qu’on doit changer quelque chose.

Le grand roman des maths, Mickaël Launay

Formidable ! L’auteur raconte pourquoi est né le comptage (savoir le nombre d’animaux dans un troupeau), pourquoi est née la géométrie (retrouver les limites des champs de chacun après les crues du Nil), puis en termes très simple comment est née l’abstraction, et enfin la genèse des maths d’aujourd’hui. Tout ceci expliqué dans l’idée de montrer que tout le monde sait faire des maths ! pour finir, M. Launay nous parle de la beauté des maths, que j’ai rencontrée modestement lorsque j’étais en prépa et qui m’a toujours épatée.

Terra Alta, Javier Cercas

J’avais dit que je ne lirais plus Cercas, depuis sa sortie sur les prisonniers politiques catalans. ET puis j’ai lu des critiques élogieuses de ce roman, alors je me suis laissé tenter… Hélas ! Une intrigue mollassonne, un roman policier bien ordinaire, sans ressort, sur fond d’attentats islamistes à Barcelone et de résurgence de souvenirs maudits de la guerre civile (Terra Alta est dans la vallée de l’Ebre ou s’est déroulé une bataille tragique de cette guerre). L’auteur y étale aussi ses convictions quand il mentionne le référendum d’indépendance du 1er octobre 2017, qualifié d’illégal (je ne partage pas cet avis, mais je ne vais pas expliquer pourquoi ici)

Mal écrit, bourré de clichés, ce roman signe mon divorce définitif avec Cercas.