vendredi 2 septembre 2022

Mai 2022, lu et aimé... ou pas

 

En mai fais ce qu'il te plait, dit-on à propos de la météo. Et pourquoi ne pas faire ce qu'il nous plait aussi avec les livres ? Et donc (comme à mon habitude je dois le dire), j'ai choisi des livres non pas parce qu'il est de bon ton de les avoir lus, ce n'est pas mon genre, mais parce que j'avais envie de les lire.Cela a donné un agréable mois du point de vue littéraire, et je ne vais pas m'en plaindre ! A noter: seulement 2 romans sur 5 livres lus, ce qui est une proportion peu usuelle chez moi ! 

 PS: comme je publie ce billet avec beaaaaaucoup de retard, le prochain  compte-rendu de lecture pourrait embrasser tout l'été.




Porca Miseria, Tonino Benacquista

Tonino Benacquista était invité à la grande librairie en même temps que 2 linguistes, Bernard Cerquiglini, Aurore Vincenti, et qu’Erik Orsenna, la langue française était donc à l’honneur ! Lui qui a écrit de si bons livres m’a semblé mal à l’aise, empêtré dans cette langue française qui pourtant est sa langue maternelle (au sens ou c’est celle qu’il a appris, il ne parlait pas italien enfant). Et voilà qu’il nous parle se sa difficulté à lire, encore une chose troublante pour un écrivain ! Je me suis donc promis de lire Porca Miseria, où il revisite l’histoire de sa famille, arrivée en France en 1954, et celle de sa bataille avec la langue.

Je voyais T. Benacquista comme une personne qui maîtrisait son art et donc sa vie (quelle idée folle !) et ce livre fait découvrir un homme qui a longtemps cherché sa place, enfant dans une famille italienne dont il était le seul né en France, avec une scolarité brouillonne, puis adulte dans une famille qui n’éclate pas mais ou chacun suit son propre chemin. On découvre un homme qui aime profondément la France, à sa façon (comme chacun de nous d’ailleurs) qu’il décrit si bien page 120 et 121.  On découvre enfin l’écrivain, pas central dans le livre mais qui se pose des tas de questions sur l’écriture et qui y apporte, comme sans doute tout écrivain, des réponses très personnelles :

« Faute de réparer, écrire c’est rétablir. C’est rendre dicible ce que l’on pense, ce que l’on ressent, ce que l’on est »

« Lire c’est entrer dans une cathédrale. Ecrire c’est y mettre le feu. Lire c’est un patriarche qui vous veut du bien. Ecrire c’est une petite trainée qui s’en fait qu’à sa tête. Lire c’est ‘excellence des autres. Ecrire c’est l’insuffisance de soi »

« Je cherche un mot pour définir mon mal. Nommer, c’est déjà avoir prise, me dis-je. Lui est bien moins persuadé que moi par l’idée qu’une désignation aidera en quoi que ce soit. J’ai envie de lui dire qu’il s’agit là d’une sale manie des gens qui écrivent : mettre des mots sur les choses »

Une lecture émouvante, ou l’auteur se raconte de façon pudique et ouverte à la fois.

Les grandes oubliées, pourquoi l’histoire a effacé les femmes, Titiou Lecoq

Titiou Lecoq revisite ici l’histoire telle qu’on nous l’enseigne à l’école, ou les femmes ont le plus souvent un rôle secondaire ou… pas de rôle du tout, et à la lumière de nouvelles avancées dans la connaissance, redonne aux femmes toute leur place : chasseuses dans la préhistoire, chevalières aux Moyen-Age, journalistes ou scientifiques au XIXe siècle… Elle analyse pourquoi les femmes ont été à certaines époques libres et à d’autres dominées, comment elles ont été petit à petit effacées (jusqu’à se faire voler des travaux littéraires par des hommes, on n’est pas loin de l’effet Matilda en sciences). Avec humour, elle nous raconte donc une autre histoire, qui rend leur place aux femmes.

Une lecture que je recommande, elle nous ouvre les yeux sur bien des choses !

Le désert des Tartares, Dino Buzzati

Vu la date de l’achevé d’imprimer de mon exemplaire, j’ai dû lire ce livre il y a environ 18 ans. Et à l’époque, je n’avais pas aimé. Mais il m’était resté un vague sentiment d’être passée à côté.

Et bien à la relecture, le constat s’impose, oui je suis passée à côté ! Voici donc Giovanni Drogo, jeune lieutenant plein d ‘ambitions et de rêves de gloire, envoyé dans un fort en limite d’un désert à surveiller. Un lieu où il ne se passe rien. Où chaque jour on se demande s’il viendra quelque envahisseur de ce désert. Un lieu où on attend. Drogo, petit à petit, va se laisser happer par le temps qui passe et par cette attente, et laisser la vie filer. Et quand enfin l’ennemi viendra, ce sera trop tard pour lui.

C’est un livre du presque rien, chaque événement minuscule prend une place énorme, au milieu d’un rituel du fort immuable, sauf quand les effectifs diminuent, ce qui oblige à les adapter. Et pourtant… il est si facile au lecteur de s’immerger dans cette attente, de la vivre, de la ressentir, que ce roman du presque rien devient un univers entier, celui de ces hommes qui gardent le fort, qui en sont l’âme et les dépositaires.

Beaucoup d’entre eux, comme Drogo, auront des occasions et des raisons de partir mais resteront, figés dans cette attente qui est toute leur vie.

Un livre magnifique !

Mon frère, ce zéro, Colin Thibert

Je vous invite à lire le résumé de ce polar absurde et réjouissant ici : https://www.babelio.com/livres/Thibert-Mon-frere-ce-zero/1280531

C’est un roman qu’on lit pour rigoler, et ça marche ! Comme on s’en doute dès le début, rien ne se passe comme prévu mais surtout… le lecteur passe sont temps à se demander jusqu’où ça va aller cette histoire ! D’ânerie d’un des protagoniste en rebondissement inattendu, à travers une galerie de personnages hauts en couleur, l’auteur nous embarque dans une histoire absurde, haletante, ébouriffante.

Les années, Annie Ernaux

Annie Ernaux raconte le temps qui passe, à travers quelques photos d’elle à diverses époques, la peinture de chaque époque, de ce qui a changé par rapport à la précédente, des espoirs ou des possibles qui en émerge, et en y mêlant finement quelques touches de sa propre vie.

C’est un livre mélancolique, qui embrasse plusieurs décennies, dont certaines que j’ai connues. Je me retrouve dans ses descriptions, ses évocations, mais en même temps je reste « au bord ».

Autant la lecture de La femme gelée m’avait fait réfléchir à la condition des femmes, à leur éducation, et à de nombreuses questions que ce texte soulève en creux, autant ici je ne me suis pas sentie aspirée par le livre. Il me semble qu’il y manque un peu de chair, qu’il est trop désincarné. Et ceci malgré une écriture d’une justesse incroyable.

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