lundi 15 janvier 2024

Bilan, objectifs et réflexions



Il fait un froid de canard dehors, et des chasseurs sont dans les parages. Cela ne donne pas trop envie de sortir, mais plutôt de partager mon année 2023 de lectures.

J’ai lu au total 45 livres, dont 8 essais, la plupart d’entre eux pour mon travail.

Alors 45, bien ou pas bien ? En fait, ce n’est pas comme ça que je me pose la question. Ce qui me semble important est : est-ce que je me suis fait plaisir ? D’un point de vue purement chiffré, je me suis fait vraiment plaisir sur 12 livres dont je vous ai parlé ici pour le 1er trimestre, ici pour le second, et là pour la dernière moitié de l’année. Mais pour une raison que je ne m’explique pas, je garde l’impression d’une année mitigée. D’une année en demi-teinte.

Peut-être que le besoin de lire beaucoup pour le travail, des essais donc, me donne le sentiment de m’être peu consacrée aux romans. Et ce n’est pas faux, 36 œuvres c’est une petite année, toujours en termes de quantité. Pas assez pour une sensation de plénitude littéraire, pour me sentir nourrie par mes lectures.

Alors certains me demanderont quel est mon objectif de lecture de romans pour 2024. Ce sujet a fait l’objet de débats sur BlueSky. Des internautes qui ont lu 110 livres en 2023 et visent 120, d’autres qui en ont lu 10 et s’interrogent sur un objectif raisonnable, d’autres enfin heureux d’avoir lu un livre après des années d’abstinence, et ne demandant pas beaucoup plus pour l’année qui s’ouvre.

A tous j’ai répondu que je n’avais jamais d’objectif, même si je note dans un fichier toutes mes lectures et que j’en tire des bilans. Que ma seule envie était de me faire plaisir en lisant, ce qui veut dire : lire de bons livres (de mon point de vue, hein, à chacun ses goûts) ; découvrir des univers, des lieux, des cultures, des façons d’être au monde à travers ces romans ; sortir de cette lecture avec un petit truc qui a changé en moi.

Au-delà du plaisir d’entrer dans une œuvre artistique, la lecture est une façon pour moi de ne jamais me reposer sur ce que je crois savoir, sur mes certitudes ou mes croyances. C’est une façon de me laisser provoquer par l’auteur ou l’autrice, c’est accepter de me remettre un peu en cause. C’est rester ouverte sur le monde. Ouvrir un lire, c’est un peu ouvrir une fenêtre, ou ouvrir les yeux.


 

samedi 30 décembre 2023

Mes lectures de la deuxième moitié de 2023

 



Tout entière investie dans la création de mon entreprise, j’ai oublié de faire ici le bilan de mes lectures. 2023 touche à sa fin, il est temps de rattraper cette étourderie. 

D’ailleurs, en me replongeant dans ma liste, je constate qu’il est possible que j’aie zappé parce que… je manquais de grandes lecteurs, ces romans ou essais exceptionnels qui donnent une envie folle de partager ! Disons que 2023 a été un cru honnête.

Pour le dernier semestre, puisque j’ai rendu compte du premier trimestre (lien) et du second (lien), cinq œuvres se détachent des autres.

Patria, de Fernando Aramburu

Nous plongeons dans l’histoire de deux familles du même village, où tout le monde se connaît, aux temps les plus noirs de l’ETA. Le roman commence quand l’ETA annonce déposer les armes, et

Quand une vieille femme décide de retourner dans son village, après de nombreuses années d’absence. Cette décision va raviver des inimitiés, de vieilles blessures, des peurs.

Des mères tragiques comme seules les Espagnoles peuvent l’être, des adolescents obligés par la société de choisir leur camp, de préférence celui des indépendantistes, une magnifique amitié brisée et changée en haine, des crimes… Ce livre regorge de personnages magnifiques, même s’ils sont agaçants, de destins bouleversants, de tension poignante.

Superbement écrit, il nous plonge de façon visiblement très documentée dans la vie quotidienne du Pays Basque à cette époque, dans sa réalité cruelle. Ce fut une incroyable découverte, que je recommande chaudement !

Le français va très bien merci, les linguistes atterré.e.s

La langue, ça me passionne. Peut-être que si je revenais 40 ans en arrière, je ferais des études de langue au lieu d’études d’ingénieur. Et par conséquent, je lis pas mal de choses sur le sujet, de préférence des textes qui parlent de la langue telle qu’elle est, telle qu’elle vit, la langue qui accompagne le monde.

Donc cet essai… m’a enchantée ! Et pour ceux qui s’arcboutent sur la langue d’autrefois (laquelle, elle n’a pas cessé d’évoluer), lisez-le : écrit avec les nouvelles règles d’orthographe, datant tout de même de 1990, et en appliquant le principe d’accord de proximité et de d’invariabilité du participe passé des verbes conjugués avec avoir, il se lit… sans difficulté 😉

A l’aube de la 6ème extinction, Bruno David

L’auteur nous explique ce qu’est la biodiversité, ce que furent les mécanismes des extinctions précédentes, et ce qui est en train de se passer aujourd’hui.

S’il peut pêcher parfois par un discours trop teinté de certitudes, cet essai est pédagogique et ouvre les yeux sur les conséquences du dérèglement climatique et de l’emprise de l’homme sur la planète, toujours assoiffé d’espaces à conquérir et de consommation.

Il faut bien reconnaître qu’à l’issue de cette lecture, on a envie de changer des choses dans sa façon de vivre, et que cela s’avère vite compliqué. Mais j’essaie…

Le lac de nulle part, Pete Fromm

Un frère et une sœur, jumeaux, partent avec leur père pour une « dernière aventure », réminiscence de toutes celles qu’ils ont vécus enfant avec lui. Une aventure, c’est partir en pleine nature, camper, vivre au rythme de cette nature.  Mais le temps a passé, ils se sont perdus de vue, n’ont plus de contact.

Très vite, l’aventure semble bizarre aux yeux des jumeaux, leur père a un comportement étrange, des tensions s’installent…

Pete Fromm installe la nature au cœur de ses romans, en invitant ce qu’elle a de majestueux, d’émouvant et aussi ce qu’elle a de force, le risque qu’elle représente pour les hommes. L’aventure des jumeaux va tourner au cauchemar, à la fois du fait des difficultés qu’ils rencontrent dans leurs relations que de celles qu’ils rencontrent quand le froid, la glace, les longues nuits arrivent.

Si le récit du trajet de lac en lac, pagayant à bord du canoé pour franchir chaque lac, puis portant le canoé pour aller à pied vers le suivant, peu sembler parfois un peu répétitif, presque un peu vain, il accompagne une évolution des personnages, de leurs peurs ou de leur détermination, de leur façon d’envisager l’avenir, une réelle transformation qui amènera à une chute… assez inattendue.

Un beau roman, que je conseille également.

La mer de la tranquillité, Emily St John Mandel

Un étrange phénomène se reproduit à divers époques et en divers lieux. De quoi s’agit-il ? En 2401, sur une des colonies lunaires, l'institut du Temps veille à la cohésion temporelle de l'univers. Une brillante physicienne nommée Zoey s'interroge sur des anomalies qui la perturbent. Le monde tel qu'il existe ne serait-il qu'une simulation ?

Les récits des différents phénomènes sont des mini-romans dans le roman, campant des personnages avec une histoire, un passé, un avenir. L’auteur les entrelace avec finesse, suscitant toujours plus la curiosité du lecteur. La description des colonies sur la lune ou ailleurs témoigne d’un monde futuriste déjà en voie de disparition, une sorte de mise en abîme temporelle.

Quand arrive la question sur l’existence du monde et sur l’hypothèse de la simulation, un vertige prend le lecteur. Mais ou l’autrice nous emmène-t-elle ? Le frère de Zoey part dans le passé pour tenter de comprendre ce qui s’est passé, et se trouvera mêlé aux phénomènes…

Extrêmement maitrisé dans sa trame narrative comme dans la cohérence des événements, et très bien écrit, ce roman est captivant, et j’ai eu un grand plaisir à me laisser happer par lui.