dimanche 29 décembre 2024

The french title and the original one / El título francés y el original

 

Récemment (enfin il y a déjà quelques mois), j’ai lu Ouragans tropicaux de Leonardo Padura. Par hasard, je regarde les mentions habituelles en début de livre et je découvre que le titre original, c’était Personas decentes, qui peut se traduire par Des gens honnêtes. Rien à voir avec le titre en espagnol ! 

 

 

Je suis tombée des nues, dans ma grande naïveté je ne m’étais jamais posé la question des titres originaux, et je pensais que la littérature avait un peu échappé à ce syndrome du monde du cinéma.

 Quel intérêt de modifier le titre choisi par Padura ? D’aucuns rappelleront que c’est souvent l’éditeur qui choisit le titre, mais cela se fait rarement contre l’auteur. Par ailleurs, le roman utilise une fois l’expression personas decentes, et une fois l’expression ouragans tropicaux. Quiconque a lu le livre sait que tous les personnages ou presque sont des crapules, ce qui donne une ironie assez mordante au titre de l’édition cubaine.

 Ouragans tropicaux me parait un titre plus racoleur, avec la pointe d’exotisme qui fait acheter le lecteur français, mais qui dénature un peu l’esprit du roman, même si ces mots y sont utilisés.

 A ce stade de la réflexion, j’ai soudain réalisé que cette transformation du titre dans l’édition française était peut-être plus courante que je ne le pensais. Je me suis alors plongée dans ma bibliothèque. Voici quelques exemples qui m’ont contrariée (ou pas) :

 Les secrets de Ciempozuelos, d’Almudena Grandes, s’intitule en espagnol La madre de Frankenstein (la mère de Frankenstein). Le titre français a du sens puisque l’intrigue se déroule dans un établissement psychiatrique qui se nomme Ciempozuelos, bourré de secrets terribles. Le titre espagnol est légitime aussi du fait de sa signification pour le héros. Et il faut bien avouer qu’il ne marque pas le côté hispanique du roman, au contraire de la plupart de ses autres romans traduits.

 Le silence de Dennis Lehane s’intitule en anglais small mercies. Difficile de proposer une traduction, il faudrait pouvoir lire le livre en anglais. Mais mercy signifie clémence, compassion, indulgence soulagement, pitié. Nulle mention du silence dans le titre anglais, et d’ailleurs le silence n’est pas ce qui vient immédiatement à l’esprit en repensant au roman. Une modification peut-être inopportune donc.

 L’enfant de la prochaine aurore de Louise Erdrich a pour titre original Future home of the living god, soit la future demeure du dieu vivant. D’accord ça parait un peu fumeux, mais pas plus qu’en anglais. Et pas plus que le titre français, non ? En relisant le résumé (ici), les deux titres ont du sens au regard du sujet. Impossible pour moi de choisir entre les deux hypothèses.

 Le plus costaud en termes de titre : La vie en chantier de Pete Fromm ! Le titre de départ c’est : A Job You Mostly Won't Know How To Do, soit quelque chose comme Un travail que vous ne saurez généralement pas faire. Ce titre est très évocateur de la teneur du roman, puisque le sujet est celui du travail de deuil, quasi impossible pour le personnage principal (résumé ici).

 Enfin, une traduction amusante pour finir : Bournville de Jonathan Coe a été traduit par Le royaume désuni, un trait d’humour que l’éditeur aurait peut-être eu tort de louper, et qui colle parfaitement au roman !

 A ce stade, inutile d’épuiser tous les titres présents sur mes étagères, force est de constater que les éditeurs se permettent des fantaisies parfois à propos, parfois moins. Cela m’attriste car les traductions peuvent faire perdre du sens au titre. Mais il n’est sans doute pas pertinent d’en faire une croisade, il y a bien d’autres sujets plus importants dans le monde. Et comme je choisis les livres plus sur leur sujet que leur titre, ce constat ne changera rien à mes habitudes de lectures !

 

 

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