lundi 26 mai 2014

petits bonheurs de lecture #9: Le cercle des douze



Ceux qui me suivent avec régularité savent combien j’apprécie la SantJordi. Mais quand en plus on m’offre un livre remarquable, cette fête donne lieu à un vrai bonheur de lecture !

Cette chance m’a été offerte avec le Cercle des Douze, de Pablo de Santis, résumé ici. Pour ceux qui n’ont pas envie de cliquer : Douze détectives, liés par l’organisation d’un cercle, se retrouvent à Paris à l’occasion de l’Exposition Universelle de 1889. Un crime va troubler leur réunion, sur fond de chantier de Tour Eiffel et de préparatifs de dernière minute, dans une capitale bouillonnante et déconcertée par cette construction métallique sans pareille.

Si le roman prend une centaine de pages pour se mettre en place, ce qui me semble beaucoup, il déroule ensuite une énigme qui m’a tenue en haleine, avec une galerie de portraits étonnante : j’ai adoré détester ces détectives arrogants, si mauvais camarades, si peu intéressés par les malheurs des autres… J’ai aussi pris un grand plaisir à lire quelques passages d’une grande finesse d’écriture. J’ai relevé pour vous ces perles :


   La Tour déployait dans le ciel gris son gigantisme sans objet. Elle semblait faite seulement pour les jours sans nuages, pour être vie de loin et sous la pluie. Quelques années plus tard, pour l’exposition de 1900, entourée d’automobiles, elle semblerait déjà ancienne, mais au temps de sa construction, elle conservait un air de surprise extravagante. Ce qui était prodigieux n’était pas sa hauteur, mais sa fin programmée. Que quelque chose d’aussi gigantesque puisse disparaitre sans cataclysme, comme les pièces d’un jouet qu’on range dans une boîte en bois, projetait autour d’elle une ombre d’irréalité futile. Elle nous susurrait à l’oreille de ne pas prendre la vie trop au sérieux.



   Il n’y avait aucun livre dans la maison de Grialet : c’était la maison tout entière qui était un livre. L’immeuble, comme je le sus par la suite, avait appartenu à l’éditeur Fussel, qui avait fait construire portes et fenêtres comme si elles avaient été des couvertures de livres. Les escaliers à colimaçon s’élevaient comme des arabesques ; des pièces imprévues surgissaient de-ci de-là comme des notes de bas de pages ; les couloirs s’allongeaient telles des gloses exagérées.



(l’énigme) était ce qu’elle avait toujours été depuis mon enfance : un puzzle. Mon père rentrait à la maison avec le grand carton enveloppé dans du papier bleu. Devant la fenêtre, j’arrachais le papier, je renversais les pièces sur le sol et je jouissais du spectacle de ce chaos brillant qui attendait qu’on y mette de l’ordre et qu’on trouve, derrière les formes, la Forme.

lundi 12 mai 2014

A l'encre bleu nuit devient (temporairement) atelier d'écriture

Je suis en plaine phase de tri et de rangement. Grâce à cela je retrouve plein de vieux souvenirs. Dont une feuille qui comporte d'un coté un bateau dessiné par une de mes filles il y a longtemps, et de l'autre le thème d'un atelier d'écriture. Je l'avais complètement oublié. J'ai retrouvé le texte écrit à partir la trame imposée: oublié aussi.

Mais j'aime bien ce thème et j'ai envie de vous le soumettre:

Une histoire en quatre parties, avec 2 personnages principaux:

1) un garçon qui connait l'existence de la petite fille

2) un couteau

3) une île

4) une petite fille qui ne connait pas l'existence du garçon.

Le garçon et la fille ne se connaissent pas, et ne sont pas de la même famille.

Dites-moi donc à quoi cela vous fait penser, quelle histoire vous aimeriez raconter pour répondre à cette trame. Donnez un nom, un âge à chaque enfant, ou pas d'ailleurs, choisissez un lieu, une situation, quelque chose qui vous émeuve et vous donnerais envie de poser quelques mors sur une page.

Et si vous êtes inspirés, écrivez :-)

De mon côté, je vous livrerais peut-être des éléments de cette vieille nouvelle (écrite en 1997 !) issue de mon imagination et de ce thème.

A vos plumes !

vendredi 2 mai 2014

Le dernier tigre rouge, Jérémie Guez



J’ai eu la chance récemment d’être invitée par Babelio (cliquez pour découvrir le site)  à une rencontre avec Jérémie Guez, jeune écrivain, pour son quatrième roman : Le dernier tigre rouge. Je reviendrai sur cette rencontre dès que mon emploi du temps surchargé (vacances !) m’en laissera le temps. Je souhaite simplement ici parler du roman.

Il débute à Saigon en 1946 et se termine à quelques kilomètres de là, à Cap Saint-Jacques, en 1954 : une arrivée, un départ. Entre mes deux : la guerre d’Indochine, et une trajectoire individuelle, celle de Charles Bareuil, engagé dans la légion étrangère pour des raisons très personnelles. Il croisera des hommes qui deviendront des amis, et un qui restera son ennemi. Il croisera une femme aussi, et avec elle peut-être un bout d’avenir ?

Je l’avoue tout net : je me suis engagée dans cette lecture avec méfiance. Avec un univers comme la Légion, je craignais des personnages tout d’une pièce, des blocs rigides. Jérémie Guez insuffle à ses personnages des fêlures, des doutes, des passés qui leur donne de la chair. Même s’il peine un peu à nous faire partager leurs sentiments, le lecteur se laisse assez vite happer par les évènements, les longs moments d’attente, les marches, tout ce quotidien de la vie de soldat que, personnellement, je connais mal.

Dans un roman historique, bien sûr la petite histoire côtoie la Grande. Une des forces de ce livre est de donner, sans en avoir l’air, une vraie leçon d’histoire sur cette guerre méconnue. Vue des Viets, vue des français, vue des chinois aussi. Sur ce plan j’ai beaucoup appris. Jérémie Guez s’est beaucoup documenté pour écrire ce texte, et pas besoin de le rencontrer pour s’en douter tant son œuvre fourmille de descriptions et de détails qui font qu’on y est, dans l’Indochine de l’immédiat après-guerre, aussi bien le lieu que l’époque.

Enfin, l’auteur distille savamment tout au long du roman les détails qui permettront de lever le voile sur le passé des personnages, et de les comprendre un peu mieux.

S’il manque encore à ce jeune romancier un peu de souffle romanesque, il a de l’imagination, une ampleur narrative, une vraie capacité à camper des personnages. Quelques phrases d’une grande poésie habitent le livre,  le point-virgule (signe de ponctuation qui tombe en désuétude) est employé avec une réelle habileté, les scènes de combat sont racontés sans tomber dans le spectaculaire cher aux auteurs qui louchent trop vers le cinéma. Bref, de réels atouts. Jérémie Guez a confié l’envie de faire de Bareuil une sorte de personnage récurrent,  il ne reste plus qu’à lui donner un peu plus de corps, qu’à laisser parfois le lecteur entrer dans sa tête, et alors il tiendra sans doute un très bon livre.

Compte-rendu de Babelio sur cette rencontre (avec une photo de l'auteur de ces lignes !): ici