J’ai de la chance : je n’ai perdu personne le vendredi 13novembre.
Très vite j’ai su que mes proches n’avaient pas été touchés, et assez vite j’ai
eu des nouvelles d’amis plus lointains. Cela aurait pu être un soulagement si…
je n’avais pas perdu ce soir-là mes illusions, mes rêves, mes espoirs.
J’ai toujours espéré un monde dont tous les citoyens vivraient dans la
fraternité, le respect mutuel, et la paix. Peut-être cela vient-il des utopies
des années 70, pendant mon enfance. Peut-être cela vient-il d’un héritage
familial. Sans doute un peu des deux.
On me fera remarquer ce qu’un tel rêve a d’angélique, voire de naïf. On
aurait raison. Mais le propre de l’espoir n’est-il pas de nous faire tendre
vers des choses un peu inaccessibles ? Bien sûr de nombreux événements
nous éloignaient chaque jour plus de cette utopie : les attentats du 11
septembre, les massacres de Boko Aram, le conflit entre Palestiniens et
israéliens, la guerre entre Russie et Ukraine et j’en oublie… D’autres
événements ont ouvert la voie : le dépôt des armes annoncé par l’ETA, les
printemps arabes, et là aussi j’en oublie… Il faut bien avouer que les attentats
de Janvier ont sérieusement entamé mes espoirs. Ceux de vendredi dernier les
ont réduits à néant.
Au-delà de l’horreur intrinsèque de ces attentats, j’en veux aux
terroristes car ils m’obligent à accepter des décisions qui restreignent les
libertés : ou il faut l’état d’urgence, oui il faut plus de policiers et
de gendarmes, car nous devons nous protéger. Mais je ne peux pas m’en réjouir.
Je suis antimilitariste, car je pense que toute personne qui s’engage
dans l’armée accepte l’idée de tuer un être humain. C’est un choix qui me
parait insupportable. J’en veux aux terroristes car ils m’obligent à convenir
que nous devons entrer en guerre contre eux, contre Daesch.
Putain, là ils ont un peu gagné.
J’ai perdu mon père il y a un peu plus de deux mois. Au-delà de ma
fragilité en cette période personnelle difficile, comment dire à quel point il
me manque ? Né en France de parents réfugiés politique après une guerre
perdue en Espagne il a passé la première année de sa vie dans un camp de
concentration français. Sa vie avait façonné sa vision du monde, et j’aurai
tellement voulu parler de tout cela avec lui, tenter de comprendre ce qui se
passe avec lui, même si peut-être je n’aurais pas été d’accord…
Et que m’aurait-il dit au fond ? Sans doute la même chose que vous :
qu’il faut continuer à vivre, que laisser la peur conduire nos actes serait une
trop grande victoire à leur donner. C’est donc ce que je vais faire !
Entre autres, je vais recommencer à vous perler livres, rugby et balades en
forêt sur les réseaux sociaux. Et tant pis pour mes illusions perdues !
Mais je veux ajouter une dimension complémentaire : je ne souscris
pas à un certain nationalisme ambiant, qui veut de protéger la France. Il faut
protéger tous ceux qui sont attaqués. Le Liban a été cruellement attaqué juste
avant nous. Demain, à qui le tour ? C’est pourquoi je veux illustrer ce
billet avec cette image : le Lennon Wall de Prague, qui devrait parler à
tous, dans le monde entier.
Peace and Love !
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