Chaque année, nous allons passer une journée aux rendez-vous de
l’histoire de Blois (lien). Le thème de l’année était Les Empires, sujet vaste
qui a donné l’occasion de rencontres variées. Nous avons assisté à quatre
événements :
- Une table ronde d’ historiens sur « empires industriels et états »
- Une conférence de Gilbert Sinoué sur son roman l’envoyé de Dieu
- Un café littéraire avec Daniel Picouly pour son roman Le cri muet de l’iguane (Raphael Confiant, l’autre invité s’est excusé pour raisons de santé)
- La conférence inaugurale, prononcée par Serge Gruzinski, sur le thème « au-delà des empires, quelle histoire écrire dans un monde globalisé ». Il a débuté sa conférence par : L’histoire est un instrument qui permet de regarder le présent avec une distance critique. Je vais essayer de m’en servir (modestement) ici.
Nous avons aussi longuement visité le salon du livre qui accompagne ces
rendez-vous.
Voici quelques mots / phrases / idées glanées ici et là, et les
questions ou réflexions que cela m’a inspiré (je précise que ces RV ont eu lieu
du 8 au 11 octobre, bien avant les attentats de Paris)
Lors de la table ronde sur les empires industriels et les états ont été
évoqués ben des sujets. Je voudrais évoquer deux sujets de réflexions, ouverts
et sans doute difficiles à fermer.
Qu’est-ce qu’un empire industriel ? Au 19ème siècle, c’était
assez facile à définir : un outil de production puissant, un rayonnement
international, une entreprise inscrite dans un territoire, une gestion
paternaliste de la main d’œuvre. Qu’en est-il aujourd’hui avec des
territoires variés, des outils industriels délocalisés (quand il y en a encore,
cf le mythe de l’entreprise sans usine), des directions éclatées, des sièges
dans des paradis fiscaux…
En écoutant j’ai réalisé que nos vies sont gouvernées par de grandes
entreprises qui se disputent nos parts de marché, oubliant que nous sommes des
citoyens avant tout, et que ces grandes entreprises ont en effet des
définitions bien floues…
A travers principalement l’exemple de Renault, un historien a montré
comment l’Etat peut être un piètre actionnaire : en effet, il joue son
intérêt en tant qu’état et pas son intérêt en tant qu’acteur de l’industrie.
Ceci dit, on voit comment les empires économiques peuvent avoir besoin que l’état
vienne à la rescousse quand ça va mal, comme pour PSA en France, ou GM aux US. Et
je reste dans le domaine de l’automobile, regardons du côté des banques !
Gilbert Sinoué est, au-delà d’un grand écrivain, un personnage pittoresque.
Il s’est aventuré sur le périlleux chemin de la biographie de Muhammad (Mahomet
pour les français) d’abord pour des raisons personnelles : il ne comprend
pas comment on peut être monothéiste. Il se revendique fervent polythéiste, adepte
des anciens grecs qui avaient un temple dédié aux Dieux inconnus. Ainsi, le
voyageur qui ne trouvait pas son Dieu dans les autres temples pouvait se recueillir
en ce lieu. J’avoue que j’aime beaucoup cette idée… qui me semble par les temps
qui courent un exemple d’ouverture à méditer !
Ouvrons une parenthèse sur son livre, que j’ai lu depuis : rédigé
à deux niveaux, il entremêle la biographie pure, racontée par un vieil homme
dont la route a croisé celle de Muhammad, et le roman, à travers le personnage
du scribe qui recueille la parole du vieux, et d’autres personnages qui
entourent ce sage. Ces deux niveaux de narration ont chacun leur style, l’un
qui relève du conte, l’autre du romanesque. Cette structure a permis à Gilbert
Sinoué d’éviter des écueils sur le sujet, car raconter la vie du prophète est
aussi dangereux que traverser un champ de mines ! Restant sur le terrain
des faits avérés, l’auteur rend au prophète son essence purement humaine, un
être fait de chair et de sang, bien éloigné de ce qu’est Jésus dans la
tradition chrétienne qui nous entoure. Ce fut une grande découverte pour moi.
Mais je suis un peu restée sur ma faim, car je voulais en savoir plus
sur la façon dont s’articulent les trois grands monothéismes. C‘est l’ange
Gabriel qui amène au prophète les versets du Coran, ce qui montre bien que l’islam
procède du christianisme et du judaïsme. Ces trois religions ont au départ le
même dieu, et sont aujourd’hui ennemies jurées : pourquoi ? On
pourrait trouver des racines de cette animosité dans la façon dont Muhammad a
agi pour convertir des fidèles. Mais je devine que c’est une explication un peu
courte, et qu’il y en a d’autres…
Avouons-le : je suis restée sur ma faim car j’attendais dans le
roman des choses qui n‘étaient pas dans l’intention de son auteur. Et pour les
intentions qu’il y a mises : raconter la vie de l’Envoyé de Dieu, avec des
respirations permises par la part romancée du scribe, il a parfaitement réussi
son coup.
Je ne connaissais pas Daniel Picouly. Voilà un homme singulier !
Il se définit comme un solognot antillais, avec des parents tarbais et morvandiaux.
Face à lui j’ai envie de dire, comme Maurice Chevalier : et tout ça, ça
fait d’excellents français ! Sauf que… il faudrait réécrire toutes les
autres paroles de la chanson ! Bref, merci monsieur Picouly de nous
rappeler, avec votre verve métisse, qu’il existe mille façons d’être français !
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