dimanche 6 mars 2016

#extraits 8: Alain Llense



Frère, d’Alain Llense, est un roman étrange. Un homme raconte l’itinéraire de son frère, de l’enfance à l’âge adulte. Il s’adresse à ce frère, lui dit sa propre histoire, jusqu’à l’issue finale, inattendue, presque incroyable… mais que je ne dévoilerais pas. L’écriture est fine, sensible, parfois poétique, à tout instant agréable à lire. J’ai bien aimé ce roman.


Je voudrais ici citer quelques passages qui parlent de choses qui me tiennent à cœur… sans avoir besoin de les préciser, vous me connaissez tous trop bien maintenant.


« On dévale sur quelques mètres, l’odeur nous prend au cœur, déjà le nez en picote. Ce n’est qu’un terrain plat, peut-être pas si plat d’ailleurs, un terrain hérissé de quatre poteaux blancs qui montent dans l’azur. Il n’est pas règlementaire, aucun match officiel ne s’y déroule jamais. Nous, on s’en fout qu’il soit règlementaire, officiel ou plat. C’est « le » terrain, c’est « notre » terrain, l’espace où, religieusement, nous apprenons le rugby. Car ici le ballon est ovale, malheur à la balle ronde qui s’encanaillerait à se croire chez elle. Même si nos existences fleurissent en des contrées nord de Loire, notre village est le siège ‘une tribu d’irréductibles fondus du rugby. La faute à quelques Catalans exilés ici après guerre, et portant avec eux, en plus d’un accent de rocaille et de vigne, l’amour de ce jeu-là. »


« Je suis sorti marcher comme souvent c’est derniers temps. (…) J’aime ces temps de solitude active, de méditation en marche. Je marche et marche encore, un pas après l’autre puis un pas encore. Je suis libre, formidablement libre. (…)
Je marche comme je vis et je vis comme je marche. Ma vie est chemin aux horizons multiples et j’y chemine consciencieusement. »

Le narrateur s’adresse à son frère à travers un livre qu’il écrit. La question de l’écriture, du comment se pose donc au narrateur, alors qu’il écrit depuis déjà un an.


« Je sais déjà qu’il me faudra des mots choisis, des ratures, relire et corriger, déchirer et refaire. En un an, j’ai appris ce travail d’artisan, d’orfèvre, cette minutie dans l’utilisation des mots qui, parfois, au matin, rend caduque le mot écrit la veille et qui semblait en or. Je sais désormais que les mots ont leur rythme, leur musique et que celui qui écrit chantonne dans sa tête en permanence cette petite musique obsédante ».

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