lundi 23 mai 2016

rendez-nous les accents !



les accents en France

L’autre jour, un député s’exprimait sur France Info, avec un accent qui attira mon oreille: une façon particulière de prononcer les “en” et “in” en fin de mots. Je tente de diagnostiquer d’où il vient, et je parie pour St Etienne. Il s’agissait d’André Chassaigne, né à Clermont-Ferrand. Je n’étais pas bien loin !

Ce détail m’a rappelé combien j’aime entendre les accents variés de nos régions, et à quel point ils me manquent. En effet, ces accents disparaissent petit à petit de notre paysage sonore.

Quand je parle avec mes amis catalans, je n’en entends plus ces rrrroulement des rrrr comme autrrrrefois (Jean-François Imbernon, célèbre deuxième ligne de l’USAP et de l’équipe de France, serait presque incompréhensible au français moyen actuel, alors que l’accent de Nicolas Mas, tout aussi catalan, est accessible à tous !)

Les journalistes parlent en général pointu, rares sont les hommes politiques qui ont l’accent de leur région d’origine, des exceptions comme André Chassaigne donc, ou Jean Lassalle ne font que peu d’émules.

Pas mal de films et téléfilms font une impasse sur les accents : dans la série « meurtres à … », j’ai regardé un épisode breton, celui qui se passe à Collioure et celui qui se passe à Avignon. Je n’y ai entendu que des accents pointus, rien qui soit chantant comme dans le sud, rien qui sonne breton (et je dois dire que je ne sais pas à quoi ressemble l’accent breton…) 

Plus belle la vie, série qui se passe à Marseille, manque singulièrement d’intonations chantantes !

Quand parfois le cinéma ne fait pas l’impasse, c’est souvent dramatique.

Ah, Orane Demazis tentant de parler avec l’accent marseillais dans la célèbre trilogie de Pagnol !

Prenons l’exemple de Bienvenue chez les Ch’tis, film très drôle mais ou l’accent du Nord est utilisé surtout pour le moquer, du moins au début du film. Ici l’accent était indispensable pour mettre en valeur ce fameux soleil que les gens du nord ont dans le cœur. Mais il n’est pas valorisé pour lui-même !

Pire encore, le film L’Hermine, qui se passe là aussi dans le nord de la France. Parmi les témoins lors du procès, ceux qui parlent avec l’accent local était un peu idiots, ne comprenaient ni la situation, ni sa gravité…

Il faut souligner qu’il existe des exemples ou le cinéma et la télé font la part belles aux accents, mais ils sont étrangers…
Dans la série Broadchurch le flic écossais Alec Hardy a un accent à couper au couteau (je dois dire que je ne le comprenais pas)
Dans Les films de Ken Loach, les accents sont souvent magnifiés et surtout dans Land and Freedom, qui se passe au sein de brigades internationales en Espagne : chaque rôle est tenu par un acteur de la nationalité du personnage, qui parle avec l’accent de son pays. Le melting pot sonore qui en résulte est délicieux !
Dans l’anglais qui gravit une colline mais descendit une montagne, l’accent gallois est mis en valeur, comme une des composantes d’une sorte de fierté nationale, qui amène à construire le fameux cairn transformant la colline en montagne.

Cependant ce soir j’écoute / je regarde des racines et des ailes, qui a pour thème le Languedoc. Que de beaux accents peut-on entendre dans les explications des experts locaux, avec les nuances de Sète, du Larzac, de la région toulousaine ! Ils existent donc encore !

Les accents régionaux ont longtemps été considérés comme « paysans », liés à un manque d’éducation, comme si par ailleurs les accents « centraux », chez nous autres en France l’accent « pointu » étaient synonymes de personnes « évoluées », éduquées. Il fut un temps où il était de bon ton de perdre son accent quand on montait à Paris pour sa carrière.

Pour ma part je considère que les accents régionaux font partie d’une identité locale, comme les langues, les traditions, la cuisine locale. Ils sont un marqueur de différence, même si cette différence n’est pas aussi importante que celle qui touche au handicap ou à des origines lointaines. J’aimerais qu’ils soient respectés, et surtout mis en valeur, présents dans l’oralité et les arts. Si la littérature peut avoir du mal à en rendre compte (encore que, souvenons-nous de l’opposition que Dumas faisait entre D’Artagnan et son accent gascon d’un côté, et Planchet et son accent picard de l’autre !), la musique, le théâtre, le cinéma pourraient exploiter intelligemment cette richesse. Elle est une musique qui enchante l’ouïe !  

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