mercredi 10 novembre 2021

Le droit de ne pas finir un livre


Récemment j’ai interrompu la lecture d’un roman qui m’ennuyait. En y réfléchissant il m’est apparu que cela m’arrive de plus en plus souvent. Et je me suis demandé pourquoi ? L’âge venant, on se sent moins contraint de finir ? Moins motivé par un roman peu enthousiasmant ?

Mais n’oublions pas les Droits du Lecteur, proposés par Daniel Pennac, et dont le 3ème est « le droit de ne pas finir un livre ». Pour ceux qui ne les connaitrait pas, les voici, vus par des élèves de 2nde : https://lyc-bascan.fr/les-droits-du-lecteur-selon-daniel-pennac-et-selon-les-eleves-de-seconde-7/

Donc ma grande, tu ne finis pas certains livres, aucun problème ! Cependant j’ai envie d’explorer une question : quelles sont les raisons pour ne pas finir un livre ? Allez ami lecteur, pour t’aider à déculpabiliser comme moi, je t’en livre certaines (et si vous en avez d’autres, dis-le-moi, ça me fera plaisir).

  • Mallarmé a écrit « La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres. ». Alors, avec tout le respect que je vous dois cher poète, je pense que vous affabulez un peu. Avoir lu tous les livres est une sorte de mission impossible, tant ils sont nombreux ! C’est d’ailleurs une idée qui m’effraye : notre temps sur terre étant compté, quel risque de passer à côté d’un livre magnifique faute de temps ? Donc première raison : pourquoi s’enquiquiner avec un roman qui ne te fait pas vibrer alors que tant d’autres attendent tes yeux, ta sensibilité et ton attention ?
  • Quand j’étais lycéenne, la lecture pour le cours de français ou de philo était une corvée. Je lisais parce qu’on me l’avait demandé, je savais qu’ensuite on me demanderait de l’analyse, de l’interprétation (que je détestait) en oubliant totalement la base de la lecture : le plaisir. Mais ça c’était il y a très longtemps, aujourd’hui je ne dois rien à personne alors deuxième raison : faisons-nous plaisir en lisant, autorisons-nous à abandonner une lecture qui n’en donne pas.
Il convient de noter que le plaisir de lecture ne veut pas dire livre feel good, on peut prendre un plaisir énorme à livre un roman noir, ou social, ou que sais-je… Le romancier ou la romancière peut avoir choisi de nous emmener sur un chemin de dureté, de stress, et qu’on tire de cette lecture une grande satisfaction. Quelques exemples, me demandes-tu ? Côté dur je pense par exemple à Les raisins de la colère, John Steinbeck, Le choix de Sophie, William Styron, Il reste la poussière, Sandrine Collette, My absolute darling, Gabriel Tallent. Coté stress il me vient à l’esprit Au-delà du mal, Shane Stevens, et presque tous les romans de Dennis Lehane. Quant au social, tout Zola fait mon bonheur !
  • Chacun a ses raisons de lire. Donc la troisième raison que je vous propose d’arrêter une lecture est assez personnelle. Je lis pour découvrir, à travers le regard de l’autrice ou l’auteur, quelque chose que je ne connais pas : un lieu, une époque, des personnes dont les réactions sont différentes des miennes. J’ai envie de sortir de ma lecture un peu plus riche que lorsque j’y suis entrée. Quand je me débats dans une lecture pénible, je ne m’enrichis pas. Quand je fournis des efforts qui réduisent à néant tout bienfait, clairement je perds mon temps.
  • Dans le cas particulier des essais, il m’arrive de ne pas comprendre. Dans le billet passer à 2021 en livres, j’ai confessé que j’ai du mal à lire des essais. Eh bien quatrième raison d’interrompre une lecture : quand on ne comprend rien, que la personne qui a rédigé n’a pas pris la peine de rendre son propos accessible à un public large, inutile de s’obstiner !
  • Et puisqu’on en est aux confessions, il faut bien reconnaitre que certains romans sont également difficiles à comprendre. Le plus souvent cela tient à une construction narrative originale, ambitieuse, mais dans laquelle il arrive qu’on se perdre. La cinquième raison d’interrompre une lecture ressemble à la quatrième : quand on est perdu, qu’on ressent le roman comme un labyrinthe, autant jeter l’éponge.

Ce billet ne contient pas d’exemple de lecture laissée de côté pour une des raisons citées : cher lecteur tu peux sans doute associer à chaque proposition quelques titres qui t’ont rebuté, tu n’as pas besoin de mes suggestions… Je me suis abstenue aussi par égard aux écrivains et écrivaines concernés, d’autres que moi peuvent aimer leurs œuvres.

Et pour finir, je suis contente de m’être livrée à ce petit travail de réflexion : l’âge n’apparait pas comme une cause de la fréquence des abandons, ouf !

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