Comment ça se passe, vos lectures de l’été ?
A
l’ombre d’un parasol, un verre à la main ? Sur la plage ? Le soir, à
la fraiche ?
De
mon côté, vous vous en doutez, c’est un peu n’importe quand, n’importe comment…
Cet été il y a eu plusieurs variantes. Pendant une semaine de canicule en
Haute-Garonne, version campagne, des heures de lectures à l’ombre des arbres,
l’après-midi, en attendant un hypothétique rafraichissement de l’air. Puis il y
a eu une période de montagne et randonnée, avec lecture dans les trous entre
deux balades, pour laisser les jambes se détendre. Enfin, une semaine chez
moi, bricolage, cuisine, balades en vélo et… lecture, bien sûr !
il manque un livre... déjà prêté... à ma fille :-) |
Au
bonheur des Dames, Emile Zola
Je
suis une fan de Zola. Très intéressée par son grand projet des
Rougon-Macquart : étudier comment la folie de l’ancêtre, Adélaïde Fouque,
se transmet de génération en génération, se modifiant mais toujours présente.
Sa description impitoyable de la société de son époque rajoute une dimension
passionnante dans ses romans.
Dans
celui-ci, on retrouve Octave Mouret, dont l’ascension a débuté dans
Pot-Bouille. Il est devenu le créateur d’un grand magasin tentateur, qui rend
folles les femmes en les attirant vers des articles dont elles n’ont pas
vraiment besoin.
Hélas,
j’ai été déçue par cette lecture. Tout Zola est là : son style, ses
préoccupations sociales, ses formidables descriptions, et pourtant… En faisant du magasin son personnage central, il oublie Octave
Mouret, qui bénéficie d’une sorte de tendresse coupable de l’auteur : ce
Rougon-Macquart travaillé par l’argent et les femmes ne chutera pas à la fin du
roman, ne sombrera pas dans la folie, et même obtiendra l’amour de celle qu’il
a attendu pendant des années. Cette fin
presque trop romantique ne sied guère à notre Zola.
Mais
rendons-lui grâce d’avoir fait du Bonheur des dames une incroyable machine à
broyer les volontés des acheteuses. Ce commerce « moderne » est toujours le nôtre, sachant nous faire
croire que nous avons un réel besoin de ce nouveau (manteau) (parapluie)
(mouchoir) (foulard) alors que, au fond… Bref, le commerce est toujours une
fabuleuse machine qui exploite nos travers.
El
ultimo lector, David Toscana
Voir
la critique de Chalipette sur son blog, c’est elle qui m’a donné envie de lire
ce roman et elle est… pertinente, tout simplement. Cliquer ici.
Ma
vie chez les Sioux, Fanny Kelly
Je
lis essentiellement (et même presque exclusivement) du roman. Alors quand
j’ouvre un témoignage, un récit, un essai, j’ai parfois du mal. Dans ce livre
Fanny Kelly fait le récit de sa vie parmi des Sioux après son enlèvement, en
juillet 186…. alors qu’elle se rendait vers l’Ouest au sein d’une petite
caravane brusquement attaquée. Pendant cinq mois, elle vécut captive chez ces
Indiens, souvent maltraitée, toujours apeurée, mais tentant de comprendre les
« sauvages » auxquelles elle devait se soumettre.
Je
suis passionnée, je devrais dire fascinée, par la culture indienne. Les
cultures même, puisqu’il existe de nombreuses nuances d’un groupe à l’autre,
voire de grandes différences entre les indiens des forêts de l’Est et ceux de
Grandes laines. J’ai lu pas mal d’ouvrages récents, des romans écrits par des
amérindiens, des essais écrits par des indiens d’aujourd’hui.
La
richesse du livre de Fanny Kelly vient de ce qu’il a été écrit juste après les
événements qu’il relate, à une période ou blancs et rouges se connaissaient
mal, ne se comprenaient pas, et se faisaient la guerre. Incontestablement une
période difficile. L’héroïne est une toute jeune femme, croyante fervente qui
recommandera son âme à Dieu de nombreuses fois. D’esprit ouvert, elle reste
néanmoins fortement imprégnée par se culture, persuadée de la supériorité de
mode de vie de la race blanche, et convaincue d’avoir affaire à des monstres.
Son
point de vue et son récit sont passionnants, ils font toucher du doigt l’abîme
qui séparait les deux civilisations en présence, et montrent à quel point toute
communication était impossible. Le regard que chacun porte sur l’autre est
marqué pas ses propres croyance, sa vision du monde.
Fanny
Kelly a connu un véritable calvaire. Elle a perdu lors de cet enlèvement sa
fille adoptive. Elle a eu peur, froid, mal. Mais elle ne tire pas de morale de
ce parcours. Elle raconte, pour dire aux autres, et ne semble pas envahie par
la haine ou la soif de vengeance. Cela donne à son récit une force étonnant.
Calligraphie
des rêves, Juan Marsé
Quel
beau titre ! Et pourtant… j’ai mis longtemps à me décider. Il faut dire
que j’avais lu trois livres de cet auteur : des lézards dans le ravin, un
jour je reviendrai, et les nuits de Shanghai. J’avais trouvé qu’il racontait
toujours un peu la même histoire : des adolescents dans les années
d’après-guerre civile à Barcelone, avec des pères (ou des figures paternelles)
absents.
Deux
personnes m’ont incité à lire ce roman : Martine, lectrice du canal
hispanophile, et mon père, qui est revenu à la charge deux années de suite. Et
bon, je dois le dire, ils ont eu raison. Formidable ce livre ! Une
écriture fluide, légère même pour décrire un quotidien lourd, poétique, fine…
J‘ai corné plein de pages de mon édition de poche. Ça veut dire que j’ai relevé
plein de phrases ou de passages à partager avec vous, dans une rubrique du
genre « petits bonheurs de lecture ».
De
quoi ça parle me direz-vous ? Un jeune adolescent, Ringo, est élevé par
des parents adoptifs dans la Barcelone de l’après-guerre civile. Il est
apprenti joaillier, rêve d’être pianiste, mais un accident lui fait perdre un
doigt et réduit ses rêves à néant. Il s’y accroche néanmoins, ainsi qu’à
l’envie d’écrire. Errant dans son quartier, Gracia, il observe les habitants et
leurs extravagances, et les déshérités qui y passent. Les absences mystérieuses
de son père, chasseur de rats bleus, sont pour lui une énigme.
Ce
roman est le plus autobiographique de Juan Marsé, qui refuse d’écrire sa propre
histoire, disant que tout est dans ses textes. En particulier, l’épisode
fondateur de l’ »adoption » du petit héros est tiré de sa propre vie
et éclaire toute son œuvre d’un jour différent.
Ringo
vit sous nos yeux une trajectoire initiatique, celle qui le fera passer du
monde doux de l’enfance à celui, forcément très dur en ces temps de dictature,
des adultes. Ses rêves, ses maladresses, ses doutes le rendent attachant et
font de lui un personnage fort, qu’on n’a pas envie d’oublier.
Je
ne m’appesantis pas plus : vous l’aurez compris, ce livre devrait
absolument faire partie de votre liste à lire !
A
ce stade de ma pérégrination estivale, j’étais rentrée chez moi. Un livre que
j’ai reçu en cadeau pour mon anniversaire m’attendait, et m’a tentée. J’ai donc
laissé de côté la couleur des sentiments de Kathryn Stockett et Cinq semaines
en ballon de Jules Verne pour m’y consacrer. Que ces deux romans me pardonnent,
je les lirai ensuite ! Et voici donc…
La
fabrique des livres, Erik Orsenna
Ici
encore un joli titre, et également une belle couverture illustrée comme tout le
livre par Camille Chevrillon. Le résumé, écrit par l’auteur, me semble refléter
juste ce qu’il faut le livre, sans trop en dévoiler :
« Comment fabrique-t-on les mots ?
Jeanne, l'héroïne de La grammaire est une chanson douce, a sa méthode : pour expliquer, elle raconte.
Il était une fois un dictateur qui trouvait son pays trop bavard. Il était une fois le Capitan, vieux navigateur et collectionneur de dictionnaires. Il était une fois deux soeurs virulentes, l'une aimant le grec et l'autre militante du latin. Il était une fois un trafiquant d'oiseaux rares. Il était une fois un café où les couples se réconcilient, au lieu de divorcer. Il était une fois une mine d'or abandonnée...
Nous avons créé les mots.
Et si les mots, à leur tour, nous inventaient ? »
Écrit comme un conte, voici un livre qui se lit tout seul et qui en quelques pages
vous apporte… une grande bouffée d’air frais (et oui, les mots, ça peut être rigolo, passionnant,
enrichissant) et un petit bout de philosophie toute simple mais forte : une
langue est un être vivant, qui s’ancre dans le passé mais s’enrichit chaque
année de mots venant d’autres langues. Et c’est ainsi que nos mots et notre
langue nous racontent.
Ce
livre m’a d’ailleurs donné une idée ou deux que je compte développer dans un
autre billet.
Et
enfin je dois dire que je me suis sentie toute honteuse de découvrir qu’on dix
ans, Erik Orsenna a écrit cinq livres consacrés à la grammaire et à la
langue : la grammaire est une chanson douce, les chevaliers du
subjonctif, la révolte des accents, et si on dansait ?
pour finir par la fabrique des mots. Et dire que je n’en connaissais
rien ! Il va falloir réparer cette grossière erreur.
Et
voilà ! Les vacances sont finies. J’ai commencé hier Cinq semaines en ballon,
et acheté deux livres à la boutique du musée des arts premiers, quai Branly à
paris : Terres de crépuscule de J M Coetzee et L’empreinte du
renard, de Moussa Konaté. Ils vont s’ajouter à ma monstrueuse pile à lire…
(qui comme chacun sait est une étagère). Les affaires reprennent !
excellents commentaires, écriture agile, pensée aprofondie, bravo...et je suis fort contant du commentaire sur marsé, j'ai bien fait d'insister
RépondreSupprimercet article est très bien redigé, agréable à lire, de bonnes analyses, très claires, qui doivent donner aux lecteurs qui ne connaissent pas envie de se plonger dans les pages en question. ( même Zola... )
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