lundi 14 septembre 2015

Les personnages récurrents



J’ai lu ou relu récemment quelques bouquins dont le personnage principal est un personnage récurrent. Bien entendu, ce sont surtout des polars. Et quelle est la caractéristique principale d’un héros récurrent dans les romans d’enquête ? Bravo, vous avez gagné : il a des problèmes personnels ! Qui, évidemment, interfèrent avec ses investigations…

Et bien je vous l’avoue tout net : ce type de personnage commence à m’agacer. Je rêve de romans policiers ou le flic chargé de l’enquête soit juste un père de famille, qui part le matin, rentre le soir, parle avec ses gosses et aime sa femme. Une sorte de type ordinaire, qui permette à l’auteur de laisser la part belle à une enquête riche sur un crime… pas trop invraisemblable.

Je crois que la palme des héros récurrents agaçants, pour ceux que je connais, revient à Kay Scarpetta et Moreno. Elle a toujours les « nerfs en pelote », il est toujours bougon, mais se fait du souci pour elle et la protège aux moments cruciaux. Dans mémoires mortes, l’auteur réussi l’exploit de faire espionner Scarpetta par son ex, alors qu’elle souffre toujours de leur rupture et… bien entendu ils passent une nuit ensemble. Tout ça pour une mort qui se passe pile poil dans la ville dont elle est le médecin légiste !
Bref, pour la vraisemblance, on repassera.

J’ai beaucoup aimé Adamsberg. Un personnage un peu hors du temps, avec des méthodes d’enquête très personnelles, laissant faire son instinct, son intuition. Le « pelleteux de nuages », comme le surnomme affectueusement Fred Vargas, est attachant par ce côté rêveur, à l’opposé du caractère terre à terre et rigoureux de beaucoup de flics de roman. Mais il faut croire que les meilleurs filons peuvent se tarir, je me suis lassée. Ainsi, je n’ai pas encore lu temps glaciaires, alors que des amis m’en ont dit le plus grand bien. Cette lassitude tient tout simplement à la répétition : du personnage, de ses méthodes, de son entourage, rien ne change. Et la vie n’est pas comme ça : chacun évolue, change en fonction de ses expériences et des épreuves de la vie. Autour de soi, des amis s’éloignent, d’autres liens naissent. C’est rarement le cas dans les polars.

Dans la catégorie du héros cabossé par la vie, nous avons deux sérieux candidats : Vallander et Harry Bosch

Pour le premier, j’étais contente que Henning Mankell ait eu la bonne idée de lui refiler la maladie d’Alzheimer. Cela me semblait une belle astuce littéraire pour que le héros ne revienne pas et que la série de ses enquêtes soit vraiment finie, à l’opposé de Sherlock Holmes que Arthur Conan Doyle a été obligé de ressusciter. Mais voilà-t-y pas que Mankell a plein de textes dans ses tiroirs, prétendument écrits il y a quelques temps déjà, et nous ressort régulièrement son héros… Comme dans une main encombrante, ou Kurt Wallander cherche à acheter une maison, parce qu’il ne veut pas de celle de son père avec qui il ne s’est jamais entendu, et patatras, un retrouve une main, puis un corps entier dans le jardin. Dans chaque roman KW a des problèmes avec un membre de sa famille : sa mère, son père, son ex-femme, sa fille… Incroyable comme ce type a pu bousiller sa vie ! Pour tout dire, pas très crédible…

J’ai beaucoup aimé Harry Bosch aussi. Dans le genre "cabossé par la vie", il se pose là avec le Vietnam, le meurtre de sa mère quand il était enfant, ses déboires sentimentaux qui, eux, restent vraisemblables car inscrits dans les traumatismes initiaux. De plus, les événements fondateurs ont une résonance intelligente avec les romans : la terreur que Bosch éprouve lorsqu’il doit s’introduire dans les conduits souterrains sous Los Angeles prend racine dans ce qu’il a vécu dans des boyaux au Vietnam (Les égouts de Los Angeles). Les personnages secondaires ont une vie, leur carrière évolue d’un roman à l’autre, les liens avec Bosch se distende ou se resserrent. Cependant j’ai aussi fini par me lasser. Pour une tout autre raison que précédemment : L’obsession des détails techniques de M. Connelly a fini par envahir ces romans, parfois au détriment  de l’histoire. Enfin, dans le dernier roman que l’ai lu, ceux qui tombent, l’intrigue tourne autour de crimes sexuels. L’auteur prête alors des pensées très dérangeantes à Bosch, regrettant la peine de mort pour ce type de criminels, haïssant les homosexuels… Il fait également preuve d’une attitude méprisante et autoritaire à l’égard de son partenaire. Ce n’était pas la vision que j’avais du personnage, et j’ai regretté le redresseur de torts à la morale inflexible.

Une conclusion s’impose donc : j’ai une nette préférence pour des romans policiers ou des romans noirs dont les personnages ne sont pas destinés à revivre sous la plume de leur créateur.

Quelques exemples que je vous recommande absolument
James Ellory, seul le silence
Pete Dexter, Cotton Point
Ron Rash, Une terre d’ombre
Roger Smith, mélanges de sangs

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