lundi 23 janvier 2023

automne 2022, lu et aimé... ou pas ?

 

Chères amies lectrices et chers amis lecteurs, j'espère que vous avez du souffle ! Ayant beaucoup de retard je vous inflige ici la liste de toutes mes lectures de septembre à décembre 2022 ! Ceci dit, il y a beaucoup de réussites, de grands moments de lecture, de romans forts dans cette liste, vous pouvez donc avoir envie d'y jeter un œil... et peut-être d'y trouver des idées pour vos prochains livres. 

Quant à moi je suis un peu triste car cette charmante lectrice peinte par Cole Phillips en 1915 - le tableau s'appelle reading by the bookshelf - ne devait m'accompagner que pour mes lectures de 2022. Je vais donc la quitter... Mais je vous réserve la surprise d'une autre lectrice pour 2023 ! 

Bon, trêve de bavardages, attaquons cette liste.

 

Victus Barcelone 1714, Albert Sanchez Piñol

Un jeune homme un peu rebelle et voyou est formé par Vauban pour devenir ingénieur, ce qui à cette époque désignait une personne qui savait concevoir les défenses d’une ville, ou un siège ! Au hasard d’événements historiques, il suivra la guerre de succession d’Espagne de 1701 à 1714, date de la chute de Barcelone dont il est originaire. Enrôlé successivement par les deux coalitions européennes qui convoitent le trône d’Espagne, formé aux stratégies d’assiègement, il défendra sa ville jusqu’au bout.

Convoquant des personnages historiques hauts en couleurs, parcourant une guerre impliqua la France et L’Autriche, ce roman est une grande fresque historique, parfois émouvante, parfois picaresque, souvent piquante et insolente. Le point d’orgue le récit du siège de Barcelone, avec les hésitations ou les lâchetés des hommes de pouvoir et la ferveur du peuple, est poignant. Pas besoin d’être catalan ou d’aimer les catalans pour être enthousiasmé par ce livre !

H2G2 (Le Guide du Voyageur Galactique) tome 3, La vie l’univers le reste

Un très bon cru, j'ai déjà eu l'occasion de vous parler des tomes 1 et 2, le 3 est excellent !

Milwaukee blues, Louis-Philippe Dalembert

Dans les rues de Milwaukee, un homme noir, Emmett,  a été tué par un policier blanc, étouffé sous la pression du genou sur son cou. Plusieurs fois il a dit « Je ne peux plus respirer ».

La vie et la mort d’Emmett nous sont racontées par plusieurs personnes ayant croisé son chemin : le gérant d’une épicerie qui s’est méfie de cet homme et a appelé la police, son institutrice, son entraîneur, puisqu’il était un joueur de foot américain prometteur, dont les rêves ont été broyés par un accident, ses amis, …

J’ai aimé bien des choses dans ce roman : sa structure chorale, la progression du récit vers une marche commémorative, l’absence de pathos, sa terrible résonance avec l’actualité. La phrase de fin, que je tronque volontairement pour ne pas divulgâcher sur les différents personnages du roman, contient un espoir que je voudrais pouvoir faire mien : « Longtemps après (…) que l’on aurait donné le nom d’Emmett à une rue de cette cité du Midwest (…) peut-être évoqueraient-ils ensemble les évènements de Milwaukee comme d’une époque vraiment révolue. »

Chien 51, Laurent Gaudé

Dans une Grèce qui, en faillite, a été rachetée par une entreprise tentaculaire, les humains vivent désormais dans des « zones », selon leur statut social. Dans la zone 3, Zem Sparak, policier, enquête sur une mort troublante.

Laurent Gaudé, à travers cette dystopie, met en scène de nombreux dangers du monde moderne : crise climatique, puissance excessive des entreprises, faiblesse économique de certains pays, etc… Hélas ce récit d’anticipation peine par une intrigue parfois poussive, des personnages convenus et une peinture du monde dans lequel ça se passe qui tient plus de l’esquisse… Sur la base d’une telle idée, une grande fresque avec plus de mise en scène de ce monde dystopique aurait mieux convenu.

L’anomalie, Hervé Le Tellier

Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas été attirée par le Goncourt 2020. Un effet peut-être de cette année si spéciale qui m’avait un peu ôté le goût de lire. Et c’est bien dommage car… L’anomalie est un livre épatant !

En juin 2021, un événement insensé bouleverse les vies de centaines d’hommes et de femmes, tous passagers d’un vol Paris - New York. Parmi eux : Blake, père de famille respectable et néanmoins tueur à gages ; Slimboy, pop star nigériane, las de vivre dans le mensonge ; Joanna, redoutable avocate rattrapée par ses failles ; ou encore Victor Miesel, écrivain confidentiel soudain devenu culte. Tous croyaient avoir une vie secrète. Nul n’imaginait à quel point c’était vrai.

Le roman commence comme un thriller, puis nous embarque dans… des circonvolutions incroyables autour des personnages, chacun étant une sorte d’archétype, soudain confronté à ce qu’il y a de plus insondable : soi-même.

Mathématicien, journaliste, linguiste, membre de l’Oulipo, Le Tellier utilise toutes ses connaissances dans ce roman d’une construction incroyable, qui converge impitoyablement vers une fin… qu’ile st impossible de dévoiler ici. Une de mes meilleures lectures de l’année !

Echec au destin, Lluis Llach

La reine Bal de Guifort, seconde épouse du souverain de Magens, est retrouvée morte au pied de son balcon. Le drame vient fragiliser une succession à haut risque pour ce royaume occitan qui doit sa survie à la protection de Rome. La reine s’est-elle donné la mort ou l’a-t-on assassinée ?

J’avais aimé Les femmes de la Principal (lu en mars), alors on m’a offert Echec au destin. Le fossé entre ces deux romans est incroyable ! Ici Lluis Llach nous offre des personnages caricaturaux : un évêque pédophile, un prétendant au trône genre « masculinité toxique », un jeune prêtre qui a du mal à trouver sa place… Une temporalité des événements parfois hasardeuse, une guerre contre une hérésie quelconque qui peine à convaincre, bref… raté.

La constellation du chien, Peter Heller

Quelque part dans le Colorado, neuf ans après la Fin de Tout. L’art de survivre est devenu un sport extrême, un jeu de massacre. Soumis aux circonstances hostiles, Hig, doux rêveur tendance chasse, pêche et poésie chinoise, fait équipe avec Bangley, vieux cowboy chatouilleux de la gâchette.

Ceux qui me connaissent vont penser « encore un roman post-apocalyptique, un roman de survie ! » Oui cher lecteur, mais sache que celui-ci m’a été offert par une personne pas au courant de mes goûts littéraires ! Et ce roman en satisfait deux, puisqu’en plus on peut vraiment le ranger dans la catégorie nature writing, tant l’exaltation de la beauté et de la souffrance de la nature est présente.

Disposant d’un avion, le héros veut à tout prix rejoindre un aérodrome d’où a été émis un signal, et cette tentative va entraîner beaucoup d’événements. J’ai été tenue en haleine d’un bout à l’autre, espérant qu’un monde meilleur pourrait se dessiner. L’écriture est brute parfois, des phrases très courtes, voire pas vraiment des phrases, et ainsi le lecteur est pleinement dans la tête du narrateur. Une grande réussite ! 

Le héron de Guernica, Antoine Choplin

J’avais beaucoup aimé La nuit tombée du même auteur, et un roman qui se passe à Guernica en 1937, cela m’intriguait. Eh bien j’ai été profondément déçue. Ce jeune homme qui peint des hérons dans les marais environnants est attachant, la description du bombardement est très réussie mais… il y a des choses qui ne collent pas. Comme le fait qu’en 1937, un prêtre puisse inciter un jeune homme à se rendre à Paris pour voir Picasso qui va exposer son célèbre tableau pour la première fois. Antoine Choplin semble avoir voulu laisser la politique de côté, mais dans ces années-là en Espagne, tout était politique. Et les prêtres n’étaient généralement pas du côté « rouge ». Son personnage pouvait l’être, choix du romancier, mais alors il aurait fallu l’expliquer, mettre du contexte.

A son image, Jérôme Ferrari

Par une soirée d’août, Antonia, flânant sur le port de Calvi après un samedi passé à immortaliser les festivités d’un ma­riage sous l’objectif de son appareil photo, croise un groupe de légionnaires parmi lesquels elle reconnaît Dragan, jadis rencontré pendant la guerre en ex-Yougoslavie. Après des heures d’ardente conversation, la jeune femme, bien qu’épuisée, décide de rejoindre le sud de l’île, où elle réside. Une embardée précipite sa voiture dans un ravin : elle est tuée sur le coup.

Ce roman est très bien construit, chaque chapitre évoquant une période de la vie de l’héroïne s’achevant pendant sa messe d’enterrement, dite par son parrain. Jérôme Ferrari sait rendre palpable la douleur de ceux qui l’entourent, mais il échoue à m’intéresser à la trajectoire de cette jeune femme. Une rencontre qui ne s’est pas faite entre ce texte et moi

La ville des histoires, Jeff Noon

À Histoireville, tout le monde écrit et peut être happé dans les récits des autres. Mais certaines histoires ne sont pas bonnes à raconter, malgré les agents narratifs chargés de les contrôler...
C’est ce qui arrive au détective John Nyquist, qui se réveille à côté du cadavre de l’homme qu’il était payé à suivre. Le voici piégé dans le Corps bibliothèque, à la fois la tour de la cité Melville de laquelle il ne peut sortir et l’histoire dramatique écrite par un certain Obéron. De dangereux personnages sont à la recherche des pages de ce livre, dont Nyquist a trouvé un extrait, et ces pages recèlent un pouvoir véritablement envoûtant, voire mortel.
Ici, on ne guérit pas du virus des mots.

Avec un tel résumé, voici un livre qui ne peut que passionner une personne amoureuse des livres ! C’est sans doute pour cela que @schaptal me l’a prêté… A la fois polar et roman fantastique, ce texte nous propulse dans un univers incroyable, ou le lecteur a le sentiment que tout peut arriver. Et il se passe des choses incroyables ! J’ai adoré… jusqu’à trouver le roman un peu long. Encore une péripétie, encore une, comme si l’auteur n’avait pas envie de s’arrêter. J’ai lu jusqu’au bout, le climax est bluffant, l’épilogue émouvant, un bon livre mais un peu trop long.

L’autre moitié du monde, Laurine Roux

Espagne, années 1930. Des paysans s’éreintent dans les rizières du delta de l’Èbre pour le compte de l’impitoyable Marquise. Parmi eux grandit Toya, gamine ensauvagée qui connaît les parages comme sa poche. Mais le pays gronde, partout la lutte pour l’émancipation sociale fait rage. Jusqu’à gagner ce bout de terre que la Guerre civile s’apprête à faire basculer.

J’ai « rencontré » Laurine Roux avec Une immense sensation de calme, une magnifique lecture. Elle a un talent incroyable pour, avec une grande économie de mots parvenir à camper ses personnages, décrire ce rapport animal à la nature et la violence des hommes.

Un tel talent sur fond de Guerre d’Espagne, j’étais intriguée.

Dans un contexte historique bien campé, l’autrice développe une histoire tragique, mais réaliste. La dureté des grands propriétaires à l’égard de leurs paysans, la complicité de l’église, l’atmosphère révolutionnaire de Barcelone, tout y est. Y compris les conséquences tragiques de la guerre civile.

On était des loups, Sandrine Collette

Ouf ! Un livre difficile à lire, non pas pour la plume de Sandrine Collette, toujours juste et proche de ses personnages, mais à cause du personnage principal !

Ce soir-là, quand Liam rentre des forêts montagneuses où il est parti chasser, il devine aussitôt qu’il s’est passé quelque chose. Son petit garçon de cinq ans, Aru, ne l’attend pas devant la maison. Dans la cour, il découvre les empreintes d’un ours. À côté, sous le corps inerte de sa femme, il trouve son fils. Vivant. Au milieu de son existence qui s’effondre, Liam a une certitude. Ce monde sauvage n’est pas fait pour un enfant.

En réalité Liam n’aime pas son fils. Non pas qu’il le déteste non, mais il n’a développé aucun attachement pour lui, le voit comme un boulet. Et cette absence d’amour va le mener à des extrémités insupportables… Je me suis demandé si j’allais continuer à lire. Et à cet instant, il s’est passé quelque chose, presque rien dans ma relation au livre qui m’a poussée à poursuivre et j’en suis ravie !

Comme toujours la romancière excelle à nous faire ressentir les émotions, les pensées de son personnage, et à décrire la nature, assez hostile et pourtant nourricière, ainsi que le rapport de Liam à la nature, son histoire, tout ce qui fait que cet homme est ce qu’il est.

Un livre coup de poing que je suis contente d’avoir lu !

L’Odyssée de Pénélope, Margaret Atwood

L’Odyssée vue par Pénélope qui, hantée par la mort de ses servantes, raconte depuis les Enfers sa propre version de l'histoire, celle d'une femme, d'une épouse, d'une mère et surtout d'une reine bien plus lucide et plus forte que ce que les hommes ont voulu croire jusqu'à aujourd'hui.

Un régal ! Le ton de Pénélope est ironique, impertinent, parfois rageur… Et cette vision féminine, féministe de l’histoire est tellement réjouissante ! Ce roman est construit sur une alternance de chapitres, un ou Pénélope s’exprime, un ou un chœur antique, celui des servantes, fait contrepoint. Ah ces servantes qui n’ont jamais pardonné à Ulysse et le poursuivront de leur vindicte jusqu’aux Enfers ! Ah, cet Ulysse incapable de rester, bien qu’il ait envie d’être avec Pénélope ! Ah, cet affrontement éternel entre Pénélope et Hélène ! Tout ceci permet un récit enlevé (hihihi) et un finale… inattendu.

Encore une lecture que je vous conseille

A bientôt pour de nouvelles découvertes littéraire !

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