Je viens de lire ou tenter de lire deux livres qui portent la mention roman sur la couverture et qui me paraissent ne pas en être.
Le premier, dans l’ordre chronologique, fut « le chat de Schrödinger », de Philippe Forest. Voici ce qu’en dit la quatrième de couverture :
«Attraper un chat noir dans l'obscurité de la nuit est, dit-on, la chose la plus difficile qui soit. Surtout s'il n'y en a pas.
Je veux dire : surtout s'il n'y a pas de chat dans la nuit où l'on cherche.
Ainsi parle un vieux proverbe chinois à la paternité incertaine. Du Confucius. Paraît-il. J'aurais plutôt pensé à un moine japonais. Ou bien à un humoriste anglais. Ce qui revient à peu près au même.
Je crois comprendre ce que cette phrase signifie. Elle dit que la sagesse consiste à ne pas se mettre en quête de chimères. Que rien n'est plus vain que de partir à la chasse aux fantômes. Qu'il est absurde de prétendre capturer de ses mains un chat quand nul ne saurait discerner, même vaguement, sa forme absente dans l'épaisseur de la nuit.
Mais Confucius, si c'est de lui qu'il s'agit, ou bien le penseur improbable auquel on a prêté son nom, n'affirme pas que la chose soit impossible. Il dit juste que trouver un chat noir dans la nuit est le comble du difficile.
Et que le comble de ce comble est atteint si le chat n'est pas là.
J'ouvre les yeux dans le noir de la nuit. Des lignes, des taches, des ombres, le scintillement d'une forme qui fuit. Quelque chose qui remue dans un coin et envoie ses ondes ricocher au loin vers le vide qui vibre.»
De plus, j’en ai lu une critique enthousiaste, je ne sais plus ou. Je l’ai même twitté. Un roman avec de la physique quantique, j’étais très tentée.
Hélas…. Dans ce livre il ne se passe rien. Le héros nous livre des réflexions philosophiques partant d’un chat noir qui aurait élu domicile dans son jardin. Il vit avec une femme qu’il ne croise jamais, ils n’ont pas les mêmes horaires. Il a perdu une fille. A la page 120 ou quelque chose comme ça, c’est tout ce que j’avais appris du héros. Fatiguée de ce vide, j’ai abandonné cette lecture. Mon avis n’est pas partagé (2 bonnes critiques pour une mauvaise chez Babelio), mais je récuse l’appellation de roman pour ce livre.
Deuxième expérience : Cent-seize chinois et quelque » de Thomas Heams-Ogus. L’auteur se penche sur le sort de chinois enfermés dans un camp par l’administration mussolinienne pendant la guerre. Un épisode méconnu et intéressant. Il a fait des recherches approfondies, et nous livre un récit assez captivant de cette histoire, touchant par fois au général à partir du particulier : le rejet de ces chinois n’est pas si différent du rejet de toutes sortes de communautés à travers le monde. J’ai apprécié ce livre.
Cependant je suis restée perplexe sur l’appellation roman : l’intrigue n’est pas vraiment une intrigue mais un récit, on ne suit aucun personnage en particulier, peu de sentiments individuels sont développés.
Et moi qui lit beaucoup, et presque que des romans, j’en suis venue à me poser des questions. Ces deux livres sont-ils des romans ? Mais au fond, qu’est-ce qu’un roman ? A ce stade, des recherches s’imposaient.
Selon wikipedia (lien) :
Le roman est un genre littéraire, caractérisé pour l'essentiel par une narration fictionnelle plus ou moins longue. La place importante faite à l'imagination transparaît dans certaines expressions comme « C'est du roman ! » ou dans certaines acceptions de l’adjectif « romanesque » qui renvoient à l'extraordinaire des personnages, des situations ou de l'intrigue.
Pour Babelio (lien) :
Le roman est un genre littéraire aux contours flous caractérisé pour l'essentiel par une narration fictionnelle plus ou moins longue, ce qui le distingue de la nouvelle. Le roman, très vite écrit en prose, dès la fin du XIIe siècle, se définit aussi par sa destination à la lecture individuelle, à la différence du conte ou de l'épopée qui relèvent à la base de la transmission orale. Le ressort fondamental du roman est alors la curiosité du lecteur pour les personnages et pour les péripéties, à quoi s'ajoutera plus tard l'intérêt pour un art d'écrire. Au fil des derniers siècles, le roman est devenu le genre littéraire dominant avec une multiplicité de sous-genres qui soulignent son caractère polymorphe.
Pour le dictionnaire Larrousse (lien) :
Œuvre d’imagination constitué par un récit en prose d’une certaine longueur, dont l’intérêt est dans la narration d’aventures, l’étude de mœurs ou de caractère, l’analyse de sentiments ou de passions, la représentation du réel ou de diverses données objectives ou subjectives ; genre littéraire regroupant les œuvres qui présentent ces caractéristiques.
Ah ! On comprend en lisant la diversité de ces définitions que le roman est un truc… pas si clair que ça. Cependant je retiens deux ou trois détails de ces définitions :
« Le ressort fondamental du roman est alors la curiosité du lecteur pour les personnages et pour les péripéties ». En face d’une telle phrase, on a envie de mettre du Alexandre Dumas, du Jules Verne, du Hugo, du Zola. Pas Le chat de Schrödinger, ou aucune péripétie n’est décrite. Il ne se passe rien.
« L’intérêt est dans la narration d’aventures, l’étude de mœurs ou de caractère, l’analyse de sentiments… ». Cette vision du roman abandonne la simple péripétie pour aller explorer d’autres champs. Mais là encore je ne m’y retrouve pas avec mes deux livres : les sentiments des chinois sont exposés par l’auteur, explicités, et concernent le groupe et non pas les individus. Il ne nous fait pas sentir ces sentiments à travers la narration de l’action, des événements, il les dit. Quant au héros qui ne sait pas s’il voit un chat ou quelque chose qui prend la forme d’un chat, il philosophe, se pose des questions mais ne va pas au-delà.
Certains pourront m’objecter que « Le roman est un genre littéraire aux contours flous », et que les deux livres mentionnés peuvent donc entrer dans ce genre, ce en quoi ils auront tout-à-fait raison. Ils pourraient aussi m’objecter que le nouveau roman, qui se revendique roman, est tout le contraire des définitions que je vous ai proposé. Dois-je avouer que j’ai un souvenir épouvantable de la lecture de Robbe-Grillet imposée au lycée, et que j’ai bien rit quand Eric-Emmanuel Schmidt en a formellement déconseillé la lecture dans la dernière émission de La Grande Librairie ? L’extrait qu’il a lu était confondant de vide.
Finalement, le roman, au-delà des définitions théoriques, c’est pour moi d’abord un livre qui vous emmène ailleurs. Qui vous fait découvrir d’autres mondes que le vôtre, que ces mondes soient au coin de la rue, à l’autre bout du monde, hier, aujourd’hui ou demain. Il peut aussi vous emmener dans les méandres de l’âme humaine, à travers une intrigue qui vous fait ressentir les sentiments des personnages. Des textes qui, au fil d'une histoire, vous amènent à réfléchir par vous-même.
Et je continuerai à lire ce genre de romans, en espérant ne pas me faire avoir trop souvent par des mentions que je considère un peu abusives sur les couvertures.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire