Un hommage à un Roger a déjà été publié sur ce blog, par un blogueur qui évoquait son frère disparu. J'ai souvent songé à écrire celui-ci , une hommage à "mon" Roger disparu, sans oser me lancer. J'ai enfin franchi le pas il y a quelques jours, pour réaliser que... il était temps, le trentième anniversaire de sa disparition est dans quelques jours.
Cher Roger
Moi, je ne
suis pas du genre à honorer les morts: je veux dire aller sur leur tombe,
mettre des fleurs, tout ça... mais je suis du genre à penser à eux. A ceux que
je regrette, et parfois aux autres, car on ne peut pas vouloir que du mal
aux gens.
Mais il y a
quelques disparus très présents à ma mémoire. Mon grand-oncle, un peu plus que
mon grand-père car il a été là plus longtemps, il m'a donc plus influencée. Mon
grand-père bien sûr. Et puis vous. Comment dire... je me sens orpheline depuis
que vous nous avez quitté.
Le rugby,
enfin les commentaires de rugby, n'ont plus jamais eu la même saveur après.
De vous il
me reste une voix, un accent, un enthousiasme, et surtout une vision du jeu.
J'avais un jour noté une petite phrase dans un carnet. A propos d'une passe
d'un joueur qui a envoyé son partenaire à l'essai, vous vous êtes exclamé
"c'est tout le rugby, ça: on ne ait pas une passe, on offre un
essai!". Le petit carnet, je ne l'ai plus depuis longtemps. Mais c'est
drôle, je n'en n'ai pas besoin pour me souvenir de cette phrase.
Aujourd'hui,
les commentateurs nous disent "magnifique essai de untel, son nième en
championnat, etc..." et oublient l'auteur de la passe, souvent bien plus
remarquable geste que l'essai.
De vous il
me reste la photo de Rives vous offrant son maillot, Je ne l'ai jamais cherchée
sur Internet. Pas besoin, elle est gravée dans ma mémoire.
De vous il
me reste aussi de beaux souvenirs de votre comparse Bala et de son maniement si
élégant de la langue française. En terminale, ma prof de français nous confiant
un jour, toute rougissante, aimer écouter les matches de rugby, pour la beauté
de son verbe.
De vous il
me reste surtout cette vision du jeu, au sens premier du mot: on est sur le
terrain pour jouer, même si jouer se conjugue avec combattre, affronter,
conquérir. Jouer se conjuguait toujours avec fierté d'être là, de porter le
maillot, de servir son équipe.
C'est cela
que j'ai appris à aimer, et que je continue à aimer envers et contre tout,
malgré les changements intervenus.
Alors voilà:
moi qui n'aime pas (trop) honorer les morts, j'ai tout de même voulu vous
rendre hommage. Aucun hommage ne vaudra les larmes de Jean-Pierre Rives, lors
d'une émission anniversaire de Stade 2, évoquant votre souvenir. Ce jour-là,
j'ai pleuré avec lui.
Vous me
manquez depuis trente ans, et ce n'est pas près de s'arrêter.
Valérie
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