Les Rendez-Vous de l’Histoire de Blois, c’est une mine. D’information,
de rencontres, de sources de réflexions… Vos pas y croisent ceux d’historiens,
d’écrivains, d’éditeurs…
L’année dernière, je vous ai rendu compte de l’intervention de ChantalThomas sur la construction du roman historique.
Cette année, nous avons assisté
un café littéraire avec Alaa El Aswany, qui a beaucoup parlé de la
situation en Egypte (le thème de l’année étant « les rebelles »),
mais aussi des relations de l’écrivain et de ses personnages, du rôle de
l’écrivain qui s’engage et de la langue.
Le romancier et ses personnages
Quand Alaa El Aswany a commencé à dire qu’il a été visité par ses
personnages qu’il sent qu’ils existent, j’ai craint la série de poncifs. Mais
la verve de l’auteur a balayé toutes les banalités !
Au premier chapitre, raconte-t-il, les personnages se sont révoltés
contre l’écrivain. « Vous nous avez créés, vous devez nous laisser
l’espace pour parler, parce qu’il y a des choses que vous ne connaissez
pas ».
Et c’est ainsi que certains personnages font même des choses avec
lesquelles il n’est pas d’accord comme le mariage du vieil homme et de la jeune
femme dans l’Immeuble Yacoubian. C’est ainsi que lorsqu’il a écrit cette partie
de son roman, il est sorti de son bureau en colère, en disant à sa femme
« tu te rends compte, ils se marient » ! J’adore cette
anecdote !
Le rôle de l’écrivain qui
s’engage.
L’engagement d’Alaa El Aswany dans le printemps arabe est connu, il fut
des manifestants de la place Tahrir et continue le combat pour cette révolution
toujours en cours.
Alors, quel est son rôle quand il écrit un roman ? Selon El
Aswany, cela dépasse le simple oui ou non. Il ne suffit pas de dire non à un
dictateur, il faut expliquer, faire comprendre. Le roman doit plutôt amener les
lecteurs à se poser des questions, plus que leur amener des réponses.
Le thème du café littéraire était de faire le bilan des printemps
arabes. Il fut donc longuement question de ces révolutions (et pas révoltes,
comme le romancier l’a souligné maintes fois) et nous avons beaucoup appris en
l’écoutant.
Cependant je dois dire que j’aurais aimé approfondir cette question du
roman qui soulève les questions : le roman engagé, celui qui tente de
faire passer des messages, est une notion qui a presque disparu de la
littérature moderne. J’aurais donc aimé savoir si Alaa El Aswany se sent dans la lignée des Hugo
et Zola, qui sont peut-être des auteurs plus démonstratifs que lui, qui exposent
plus.
Le choix de la langue
Alaa El Aswany parle très bien français, avec subtilité. Il manie même
l’humour en français, ce que je tiens pour la marque d’une appropriation totale
d’une langue. Né dans une Egypte encre très francophone et pétrie de culture
française, il pense qu’il aurait pu écrire en français, ou en anglais d’ailleurs.
Cependant… il pense que pour la fiction, il y a des profondeurs qu’on
ne peut écrire que dans sa langue maternelle. A rebours donc de Yasmina Khadra par exemple, qui a choisi la langue française !
Il était d’ailleurs accompagné de son traducteur, remarquable
connaisseur de l’Egypte et des printemps arabes.
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