Il m’a été donné d’assister à des rencontres avec des
écrivains, jamais encore avec des acteurs. Jeudi soir, au Théâtre Montansier à
Versailles, merveilleuse surprise, un « bord de scène » est prévu
avec les interprètes de Chère Elena.
Cette pièce écrite par Ludmilla Razoumovskaïa est résumée
ainsi :
Armés d’un bouquet de fleurs et d’un cadeau, quatre jeunes se présentent chez leur professeur pour lui souhaiter son anniversaire. En réalité, leur sombre dessein est de récupérer la clé du casier dans lequel se trouvent leurs copies d’examen. Son refus d’accepter le marché plonge Elena dans une nuit de cauchemar au cours de laquelle, face au chantage, elle oppose sa morale et sa croyance dans des idéaux d’humanisme et d’exemplarité.
Elena est jouée par Myriam Boyer, grande actrice au
formidable parcours, deux fois couronnée d’un Molière, et entourée de quatre
jeunes acteurs qui étincellent.
La pièce est dure, l’opposition entre ces jeunes qui aspirent
« à vivre, non à survivre » et ce professeur aux croyances
profondément ancrées va tourner à l’affrontement, dériver vers la violence, et
aucun d’entre eux n’en sortira indemne. Pas plus que les spectateurs.
Voici quelques critiques glanées sur Internet :
Un qui reflète vraiment ce que j’ai ressenti : http://www.atlantico.fr/decryptage/chere-elena-tres-bon-theatre-estomac-ludmilla-razoumovskaia-critique-culture-tops-1777626.html
un autre:http://toutelaculture.com/spectacles/theatre/myriam-boyer-tellement-humaine-dans-chere-elena
Par parenthèse, si la monstruosité des lycéenes est bien soulignée, aucune critique ne mentionne le côté monstrueux d’Elena,
tapi sous sa formidable humanité : elle est incapable d’imaginer que les idéaux
qu’on lui a inculqués et qu’elle a tenté de transmettre puissent avoir été pervertis, et que la société qui a été construite soit devenue injuste. Elle
fait preuve d’un certain aveuglement…
La rencontre fut un grand moment. Débarrassés de leurs
costumes, redevenus eux-mêmes, les acteurs se sont prêtés avec grâce et
gentillesse au jeu des questions réponses. Le public encore secoué par l’âpreté
de ce huis-clos s’est intéressé au vécu de ces jeunes comédiens terriblement prometteurs
et qui ont répondu avec une grande maturité aux questions.
Comment trouver le ton juste pour exprimer les sentiments ?
C’est grâce à la direction d’acteurs, merci Didier Long. Et j’ajouterais :
c’est à ça que servent les lectures, les répétitions, le travail cent fois
remis sur l’établi. Les acteurs sont des artisans.
Commet jouer ces scènes violentes sans s’y brûler les ailes ?
Le metteur en scène et nous avons
beaucoup parlé, le travail s’est déroulé dans un climat de gentillesse, pas
dans un climat de recherche dans la douleur.
Chacun de ces « p’tits jeunes » a raconté comment
il apprend son texte (Myriam Boyer n‘a pas souhaité répondre à cette question),
et quatre méthodes sont apparues, du plus cérébral, cherchant des relations de
cause à effet entre les répliques, au plus instinctif, qui apprend son texte en
marchant, montrant involontairement le côté très personnel de ce métier.
Le seul point sur lequel ils n’ont pas encore pu répondre, c’est
sur leur façon de vivre en tournée puisque cette représentation marquait le
début pour eux… Myriam Boyer a raconté avec subtilité tout ce qu’il y a d’attente
dans la vie d’acteur, entre le moment où on se lève et celui ou on est sur
scène, et comment la tournée, en les éloignant de leurs familles, accentue
cette attente.
La rencontre a du durer une demi-heure, ce fut une sorte de
temps suspendu, un joli cadeau dont on aimerait faire durer le plaisir, mais
les meilleures choses ont une fin hélas…
J’aimerais dans ces lignes leur dire merci de leur
spontanéité, leur souhaiter une longue vie sur les planches, puisse-t-ils
devenir à leur tour des Myriam Boyer transmettant à de nouvelles générations la
joie qu’il y a à interpréter de beaux textes.
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