Rarement un livre m’aura autant agacée et fascinée en même
temps. Voir la quatrième de couverture ici
Fascinée je le fus, car Tristan Savin évoque avec beaucoup
de poésie des lieux mythiques, que je ne connais pas mais dont je rêve… Voyager
au gré de sa plume et de celles des écrivains qu’il convoque à Zanzibar, Ispahan,
Saint-Pétersbourg, Bali (et plein d’autres) est un enchantement. J’ai d’ailleurs
conforté dans cette lecture mon envie de lire Kim, de Rudyard Kypling, fortement recommandé lors d’une réunion des lecteurs du canal par @schaptal.
Fascinée au point au point d’avoir sans arrêt envie de découvrir un lieu de
plus, aller une page plus loin.
Je dois aussi à ce livre d’avoir appris que « le brésil
est un arbre, le pau brasil. Et l’aubier de ce brasil produit une teinture
cramoisie ». Au cours de mes recherches sur les arbres remarquables pour
écrire les nouvelles de l’Arboretum imaginaire, je n’ai pas croisé ce pau
brasil, j’en ai des regrets…
Mais…
Agaçée aussi par un certain nombre de partis pris. Quand j’avais
une râlerie à formuler sur une chronique, j’ai corné la page. Il y a un peu
trop de coins pliés à mon goût… Bon, j’y vais, je dresse la liste de mes
récriminations.
D’abord les facilités stylistiques. Tristan Savin y succombe
fort peu mais quand, par exemple, on lit deux chroniques ou Paul Morand est désigné
par l’expression « l’homme pressé », comment ne pas trouver qu’il y a
un peu de paresse chez l’auteur ?
Après un tour de France des lieux littéraires, Tristan Savin
fait celui de l’Europe. Et immense étonnement, Barcelone n’y figure pas !
C’est pourtant une ville qui a inspiré de nombreux romans, au premier rang desquels
je voudrais citer La cité des prodiges,
d’Eduardo Mendoza. Dans cette immense saga qui progresse au gré des
transformations de la ville, le personnage principal n’est pas Onofre Bouvila,
mais bien la cité, son atmosphère, son aptitude à se réinventer. Et on ne peut
s’empêcher de penser bien sûr à Juan Marsé, qui décrit dans ses romans l’influence
de la Barcelone plombée des années 50 sur ses habitants (j’ai évoqué Calligraphie des rêves ici),
à Carlos Ruiz Zafon et l’ombre du vent,
à Ildefonso Falcones et la cathédrale de
la mer, et bien sûr à Pepe Carvalho, le barcelonais 100% pur sucre de
Vazquez Montalban. Bref, il y avait matière à une chronique, mais sans les
auteurs fétiches de notre chroniqueur. Est-ce là une explication ?
Lorsqu’il évoque Tokyo, comme d’ailleurs presque tous les
autres lieux mentionnés, Tristan Savin s’arrête aux années 50. Nous savons tous
comme le monde a changé depuis cette époque, et il est des places pour lesquelles
ce changement est plus fort. Tokyo fait partie de ces lieux, et l’évocation des
japonaises en kimono est singulièrement désuète… En 1998, lors d’un déplacement
professionnel au Japon, j’ai plus été frappée par l’accoutrement des jeunes
filles, mini-jupes plissées, jambières, frivolités de toutes sortes, que par
les grand-mères en kimono, même si j’en ai croisée une ou deux dans le métro.
Les japonais accompagnant avec rapidité les métamorphoses des époques, mes
jeunes filles sont peut-être elle aussi tombées aux oubliettes…
Dans la chronique terre d’Algérie, nous sombrons dans l’approximation.
Tristan Savin évoque Isabelle Eberhardt, et dit qu’elle a connu la révélation
lors d’un reportage dans le sud oranais. Puis il enchaine par une citation « Sous
l’accablement d’un ciel sans nuages, Alger dormait ». J’ai été vérifier
sur une carte qu’Alger n’est pas au sud d’Oran, tant l’enchainement trop rapide
m’a troublée !
La chronique sur le désert saharien ne fait pas mention de
Frison-Roche, et celle sur le cœur de l’Afrique oublie Karen Blixen. C’est fort
dommage, car cela aurait permis d’élargir le cercle des écrivains cités et d’ouvrir
les points de vue.
Je vais cesser là mes critiques, pour conseiller à tous mes
lecteurs curieux du monde qui nous entoure cette lecture, autant pour puiser
dans la bibliographie des suggestions d’autres lectures que pour la prose de
Tristan Savin.
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