vendredi 3 février 2012

Etrange Absence

Ce matin elle n’est pas là. En partant au travail, j’ai l’habitude de la voir, sortant de son bain. Après s’être séchée, la serviette tombée à ses pieds, elle porte délicatement ses mains à son visage. Son geste souligne une grâce tout simple, sans affectation. La courbe pleine de ses hanches, même si elle est mince, le galbe de ses seins jeunes et fermes évoquent une sensualité tendre, présente sans être dévorante. Le léger sourire sur ses les lèvres me dit chaque jour si elle est heureuse ou mélancolique.
Mais dans le petit jour pâle, pas moyen de la voir. Exceptionnellement en retard, je me presse, jetant des regards rapides autour de moi, déçu de ne pas apercevoir sa silhouette familière. Cela n’est jamais arrivé.
Et ça m’ennuie ! Aujourd’hui il y a un « pot » au bureau, on va encore me demander ou en sont mes amours… Parmi les caricatures que chacun faut de ses collègues, je suis le « célibataire endurci ». Parler de cette ravissante jeune femme aurait amélioré ma cote. Si elle est partie, je prends un risque à l’évoquer… Tant pis, il va falloir commencer par mener une enquête, et garder le silence.
C’est ainsi que je me retrouve arpentant le trottoir à la nuit tombante, guettant un mouvement, un signe de présence. Avisant un passant je lui demande « Savez-vous ou se trouve la jeune femme qui est là d’habitude ? » Il me regarde d’un air interloqué et s’échappe.
Dès le lendemain, une surveillance étroite en inquiète s’organise. Au risque d’arriver en retard au bureau, et de désorganiser ma vie, je suis sur les lieux un peu plus tôt, et même beaucoup plus, et m’attarde longtemps. Mais c’est immanquablement pour constater l’absence. Parfois je tremble de déception, ou alors les larmes me montent aux yeux. Où est passée ma nymphe gracile et mystérieuse ?

- T’as vu, il est encore là le mec.
- Ah ! Le vieux beau tiré à quatre épingles ?
- Oui, et il regarde toujours vers le même socle. L’a l’air complètement paumé.
- Bizarre…
- Pauvre gars ! Suffit de lire le panneau pour voir qu’elle a été démontée pour nettoyage, la statue !

                                                                    Aristide Maillol

4 commentaires:

  1. Texte très émouvant et poétique qui m'a rappelé un sketch de Raymond Devos sur le "Penseur" de Rodin... Un texte bien dans l'esprit décalé et original de Devos !

    Bertrand.

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  2. Très touchée par la comparaison, merci beaucoup :-)

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  3. Pourtant, une statue devrait le laisser de marbre, non ? :D
    Superbe texte, Valérie, tu nous choies ..

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