MANIPULES
(partie 1 : ici)
Les choses vont très vite. Son projet est très arrêté, c’est
presque une commande. Angela veut me mettre en relation avec un graphiste,
Jules : je devrai écrire des textes sur les beautés et les laideurs
urbaines, qu’il illustrera. Elle est passionnée par la ville, toutes ses
expositions tournent autour de ce sujet. Les textes illustrés seraient
encadrés, ça se vendra une vraie fortune, vous verrez, un succès fou !
Pourquoi ai-je accepté ? Pour son regard de braise, ses frôlements
félins ? Parce que le courant passait bien avec Jules ? Parce que le
projet m’intéressait ? Un peu de tout sans doute. Je vivais seul depuis
deux ans, une rupture difficile. Dans ce cas, quand tout d’un coup quelqu’un
s’intéresse à vous, vous reprenez goût à la vie ! Dominé par cette émotion
nouvelle, j’ai oublié de demander un contrat. A postériori quel con…
Le travail a commencé. Solitaire d’abord, écrire ne peut se
faire que dans l’isolement. J’allais la voir une fois par semaine, nous
discutions des textes, assis côte à côte sur son canapé, des tasses de thé
fumant posées presque sur les pages que j’amenais. Quand nous argumentions sur
un mot, une expression, nos doigts pointés sur les feuilles s’effleuraient.
Installés proches l’un de l’autre, sa hanche me frôlait, je sentais son parfum.
Elle me souriait, complice, enjôleuse. Le frisson se faisait plus violent à
chaque rendez-vous. Entre deux séances elle ne donnait pas signe de vie, et
j’en étais triste. Tiens, une femme te manque ? Sébastien, ton cœur
aurait-il recommencé à battre ?
Je voyais régulièrement Jules aussi, pour lui présenter mes
projets. Il cherchait à s’en imprégner pour tenter des illustrations. Il en
créait plusieurs pour chaque texte, me demandait mon avis. Souvent je lui
demandais de panacher les propositions, l’accouchement était difficile !
Mais une vraie complicité s’installait entre nous, nous nous comprenions, ses
dessins cadraient bien, il « sentait » mes mots et les croquait avec
grâce, même quand il s’agissait de laideur urbaine.
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