Tout a commencé par un tweet râleur, j’ai
écrit « J'aime pas la rentrée littéraire (sur le ton du schtroumpf
grognon). Va falloir que je m'en explique »
Il est évident qu’on ne peut pas se contenter
de cela, qu’il faut argumenter. d'ailleurs on m'a posé des questions à ce sujet. Voici donc quelques explications :
D’abord la débauche de livres. C’est
angoissant de voir débouler dans les librairies, dans les journaux, plus de 600
bouquins dont on ne lira que quelques-uns… Chaque roman est une rencontre, une expérience
unique et voir autant d’opportunités de découvertes dont on ne profitera pas est
une immense frustration. On me rétorquera sans doute qu’une telle abondance augmente
les chances de faire la bonne rencontre, à travers la diversité de sujets
traités, ceux qui nous intéressent, ceux qui nous laissent froids. Ce serait
vrai si tous ces livres avaient les mêmes chances au départ, en termes d’exposition
médiatique et de durée de vie sur les tables des libraires. Hélas…
Ensuite, les enthousiasmes sur les
"bons livres" me paraissent excessifs.
Il faut laisser faire le temps pour que les vrais bons livres surnagent. Très
vite un roman est qualifié d’exceptionnel, mais qui se souvient de la plupart
des prix Goncourt ? Il suffirait de les qualifier de « bons »
puis de laisser faire les lecteurs, le bouche à oreille…
Troisième raison, je n'aime pas les "il faut". Les
journalistes se posent trop souvent en prescripteurs, ça m'agace. Ils vous
parlent de livre « à lire absolument », des 10 livres à emmener dans
sa valise de vacances, etc… le choix des mots n’est pas innocent : ils
vous indiquent les livres que vous devez avoir lu si vous voulez être une
personne cultivée, dans le mouvement ou je ne sais quoi. Voilà de quoi
exacerber mon côté rebelle ! J'aime la liberté de choix,
j’aime seulement qu’on me dise : ce roman m’a paru bon, et pas qu’on me
dise ce roman « est » bon. De la même façon que je n’aime pas qu’on
me dise que tel tableau « est » beau. Il le sera peut-être pour vous
et pas pour moi, ou l’inverse.
Enfin on parle trop des "grands" écrivains,
qui n'ont pas besoin de ça pour vendre et pas assez des petits, des nouveaux,
qui ont besoin de cette chance pour décoller. Cette tendance est au détriment
de la diversité des styles, des voix, des thèmes… A ce dernier argument, @guillaumeduhan sur
Twitter m‘a objecté « mais c'est la faute aux lecteurs aussi. Ils ne
veulent lire que du Gallimard ou actes Sud... »
Je dois reconnaitre que ce n’est pas
faux, et qu’il est difficile de savoir si les lecteurs ne lisent que Gallimard
et Actes Sud parce que les journalistes ne parlent que d’eux, ou si les
journalistes ne parlent que de Gallimard et Actes Sud parce que les lecteurs ne
lisent que ces maisons. En tout état de cause, il me semble que quelques
journalistes pourraient s’instituer "passeurs" vers les petites
maisons, se donner comme
mission d’ouvrir notre champ de vision...
Mon interlocuteur souligne que certains
médias se développent et deviennent de plus en plus indépendants,
ou plutôt des canaux tels que les blogs. Ceci
pose un nouveau problème : le foisonnement des blogs littéraires crée une
jungle où il est difficile de s’orienter, de savoir si les auteurs ont de
réelles compétences de critiques ou pas. Et même si j’en consulte quelques-uns,
ce n’est pas cela qui me fera aimer la rentrée littéraire.
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