épisode 2 ici
Après les vacances de Pâques, M. Legrand leur présenta un
nouveau, Pons. Aucun élève ne fut surpris : tous avaient assisté à
l’emménagement de la famille comme au spectacle. Débarquant en plein village
avec une carriole tirée par un cheval, ils avaient amené tous leurs
meubles : armoires, tables, chaises, commodes, cuisinière à bois… Après
vingt ans dans la bonneterie à Rivesaltes, à vendre des gaines et des
élastiques, Monsieur Pons venait reprendre l’épicerie de sa cousine Dide. Trop
vieille pour continuer à grimper sur les escabeaux, n’y voyant plus assez pour
compter les roudoudous et les réglisses, elle avait besoin d’aide. C’est ainsi
que Pons arriva sur les bancs de l’école. Les premiers soirs, il rentra chez
lui après la classe, goûta et sortit dans les rues à la recherche de quelque
camarade d’école avec qui s’amuser. Il fut étonné d’en trouver peu. Au bout de
quelques jours il avisa Jean et lui demanda :
- Tu
fais quoi, toi, après la classe ?
- Moi ?
Je vais avec les autres, pardi ! On travaille avec Pere, pour avoir de
bonnes notes.
-
Vous faites quoi ? insista Pons, un sourire narquois sur les lèvres.
- On
travaille, pauvre nouille ! On se rassemble au vieux Chêne et Pere nous
aide si on n’a pas compris.
Le soir même, Pons vint rôder autour du vieil arbre. Pas
impressionné du tout. Ni par sa stature, ni par son aura. Chaussé
d’espadrilles, il s’approcha sans un bruit, s’assit près de l’ouverture du
tronc et écouta. Quelle ne fut pas sa surprise de découvrir qu’ils travaillaient
vraiment ! Jacques récitait ses tables de multiplication, des plumes
crissaient sur du papier, et Pere expliquait à Jean pourquoi les trains se
croisaient à onze heures cinquante-huit. Il repartit tout aussi discrètement,
pensant « ben merde alors, j’ai jamais vu des gars aussi sérieux … ».
Le lendemain, Pons demanda de venir, la règle du participe
passé lui posait problème. Pere lui expliqua l’accord : il devait amener
un goûter. Il amena du chocolat, un luxe inouï pour la plupart des membres du
groupe.
-
Ouah ! Comment tu l’as eu ?
-
C’est rien, fit-il négligemment, je l’ai piqué à l’épicerie.
Alors
Pere répondit :
-
Ecoute, ici tout le monde est réglo. Le goûter, c’est les parents qui le
donnent.
-
D’accord, d’accord, je ne le ferais plus, mon père. Bon, tu me l’expliques, la
règle du participe ?
Pons se montra assidu à ces séances de travail. Il disait
aimer l’atmosphère bienfaisante dans la cavité. Comme si le chêne-liège le
protégeait. Pourtant, un jour, il arriva avec un jeu de cartes.
- Oh
les gars, si on jouait ?
-
Non, on est là pour travailler, cria Josep.
-
Toi, le Petit, la ramène pas, tu veux ?
Le
Cérétan intervint :
-
Fiche-lui la paix, c’est un petit !
-
Ouh ! Le Cérétan qui se fâche ! Et d’abord pourquoi on t’appelle
comme ça ? Je parie que tu n’y as jamais mis les pieds, à Céret !
Moi, je vais t’appeler par ton vrai nom, Antoine !
Le
Cérétan blêmit.
-
Quand ma mère était malade, je suis allé vivre chez mon oncle, à Céret. Je ne
suis revenu qu’après sa mort. Alors ta gueule ! termina-t-il dans un
hurlement.
-
Bon les gars, interrompit Jean, si tout le monde doit d’engueuler, moi je m’en
vais. Mais si on se calme, je veux bien faire une partie de cartes. C’est vrai
quoi, je le veux, mon certif’, mais on fait que travailler et on a tous de
meilleures notes.
Deux
autres se portèrent volontaires et tous s’installèrent dans un coin pour jouer
au Truc. A compter de ce jour, l’ambiance au creux du chêne des Trabucayres
devint moins posée, moins studieuse.
Bel arbre: est ce le chêne de la nouvelle?
RépondreSupprimerC'est bien le chêne de la nouvelle. Il a vraiment existé et l’histoire de Trabucayres résumée dans l'épisode 2 est réelle. ce chêne a malheureusement disparu, dans les années 70 je crois. Je ne l'ai jamais vu.
RépondreSupprimerJe pense que l'homme sur la photo est Ludovic Massé, écrivain catalan qui a romancé la fin de l'aventure des Trabucayres.
Plus d'infos à venir après la publication de dernier épisode de ma nouvelle...