lundi 30 septembre 2013

des bandits en culottes courtes #5

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Le lendemain, il arriva à l’école blanc comme un linge, le visage grave, les lèvres serrées. Il parla à peine à ses camarades, s’éloigna sans les saluer après la classe. Mais dès qu’il eut tourné le coin de la rue, après la boutique du cordonnier, comme pour aller chez lui, il se mit à courir comme un fou, pour arriver le premier au Chêne. Il se cacha parmi les genêts et les buis juste au dessus de l’arbre et attendit. Il vit d’abord arriver le Cérétan, qui malgré son altercation avec Pons était resté dans la bande, puis Pons lui-même, enfin les autres. Le dernier à venir fut le fils du patron du café, entrant dans le creux du tronc en tendant fièrement à la main une bouteille d’anisette dérobée chez son père. Pere attendit encore un quart d’heure, immobile, pour être sûr qu’il n’y aurait plus de passage. Alors il sortit de sa cachette, se planta devant l’entrée du repaire, jambes écartées, poings sur le hanche.
- Pons ! Oh, Pons ! Tu m’as volé ma bande et je ne suis pas d’accord ! ces gars sont mes copains et tu les as embobinés avec tes bêtises. Eh, vous m’entendez, les autres ? Ce ne sont que des bêtises ! des conneries, même ! Depuis que vous êtes avec lui, vous ne valez pas tripette ! Quant à toi, Pons, je suppose que le Cérétan t’a raconté l’histoire des Trabucayres et depuis tu t’imagines que tu en es un ? Une sorte de héros ? Et bien laisse-moi te dire que tu ne vaux pas un clou !
En entendant ce son discours, Pons était sorti, furieux, brandissant le poing, suivi des autres gamins, qui regardaient abasourdis leur calme et gentil copain provoquer leur nouveau chef. Quand Pere trouva le garnement suffisamment rouge, il s’arrêta. Il y eut un long silence. Puis le chef se précipita sur son provocateur, le plaquant au sol, le bourrant de coups de poings au visage, au ventre, dans les côtes. Pere ne se laissa pas faire, il répondit aux coups de poings par des coups également. Au milieu de la mêlée, il réussit à prendre le cou de son assaillant des deux mains et à serrer. Pons était assis à califourchon sur son adversaire et tenta d’écarter ses mains. Comme il n’y arrivait pas, il décocha un formidable coup au foie de son adeversaire, qui hurla de douleur. À cet instant, Jacques se réveilla de la stupeur qui avait saisi toute la bande et cria :
- Les gars ! Faut les séparer !
Cinq ou six d’entre eux se précipitèrent sur Pons, l’immobilisèrent en lui bloquant les bras dans le dos et l’entraînèrent de l’autre côté de l’arbre. Les deux plus grands relevèrent Pere et passèrent ses bras au dessus de leurs épaules pour le porter jusque chez lui.

Pere avait tellement mal qu’il ne vint pas à l’école pendant plusieurs jours. Il n’eut donc qu’une idée un peu confuse de ce qui se passa ensuite. Le conseil de guerre d’abord. Dès le lendemain, dans la cour de l’école. Tous y participèrent : les habitués de l’école de Pere,  et ceux qui n’étaient venus qu’une fois ou deux, à l’occasion d’une leçon mal comprise. Calmement Jean expliqua son point de vue : ils s’étaient mal comportés avec Pere, qui était leur ami et passait du temps à les aider, en lui préférant Pons, ce mauvais garçon qui les a entraînés dans de grosses bêtises. Tiens, mais où il est, Pons ? Il est puni, son père n’aime pas les bagarres, jeta l’un d’entre eux. Un autre reprit :
- Bon, t’as raison, Jean. On le sait tous, même si on le dit pas. Casser des carreaux, voler des pêches, c’est idiot. Mais on fait quoi, maintenant ?
- D’abord, on ne va plus au Chêne si Pons y est.
- Ouaih, d’accord, firent plusieurs voix.
- Mais attention, ajouta Jean, solennel. Il faut jurer de vraiment le faire !
- Non, ça c’est bête, fit une petite voix, celle de Josep. Il a fait du mal, il faut le punir. S’il se prend pour un Trabucayre, pourquoi on ne lui ferait pas comme les Trabucayres ?
- Ça, c’est une vache de bonne idée !
Pons resta puni trois jours sans sortir de chez lui. Cela leur laissa le temps de préparer leur coup.

Le père Pons parcourait le village en tous sens, demandant partout : « Dites, vous savez où il est, mon fils ? Il est plus de dix heures, il devrait être rentré ! ». Personne ne savait où se trouvait le garçon. Ni le patron du café, ni le cordonnier, ni l’instituteur qui confirma que Pons était venu à l’école aujourd’hui, ni le père Capell, ni … Il frappa à toutes les portes, sans aucun succès. Comme il errait sur la place du village, désemparé, M. Legrand vint le voir :
- Ecoutez, vous lui avez donné une punition sévère, même s’il la méritait. Il a dû faire une fugue, il reviendra bien demain. Allez dormir tranquillement, s’il ne revient pas demain, on ira ensemble à la gendarmerie.
A quelques centaines de mètres de là, Pons sanglotait ligoté et bâillonné, caché dans le creux du chêne-liège. Après la classe, quelques camarades avaient causé avec lui, naturellement, comme si rien ne s’était passé. D’autres avaient couru en silence, chaussés d’espadrilles, vers le Chêne. Quand Pons y était arrivé, l’un d’entre eux attendait caché sur le côté de l’entrée de la cachette, armé d’un gourdin. Pons fut promptement assommé, attaché, couché sur une banquette. Puis Jean lui jeta un broc d’eau au visage pour le réveiller et lui cria :
- On te libère si tu jures de nous laisser tranquille pour bosser ici !
Pons fit non de la tête.
- Tant pis pour toi. On viendra demain voir si tu as changé d’avis.

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