Il y a une catégorie de romans qui me touche : ceux qui mêlent science et littérature. Pleins de raisons à cela : ma « double culture », avec des études scientifiques et un goût prononcé pour la littérature, et aussi le fait que je ne crois pas à la distinction « toi tu es scientifique, toi tu es littéraire » (cf un article déjà publié sur ce thème)
Ces romans sont nombreux, et parmi eux je recommande tout
particulièrement Denis Guedj, qui a évoqué la mesure du mètre par Delambre et
Méchin, la naissance du zéro, et tant d’autres aspects des maths…
Une biographie de Copernic par Jean-Pierre Luminet,
astrophysicien de son état, vous pensez si ça parait séduisant ! Un peu
déçue par le livre, mais dedans j’ai fait une découverte…
Les théories les plus anciennes, celle de Ptolémée et
Aristote, plaçaient la terre au centre de l’univers. Mais leurs calculs ne
permettaient pas d’expliquer le parcours apparent des planètes dans le ciel
terrestre. Ils ont alors introduit plein d’artifices mathématico-physiques pour
faire coller le calcul et l’observation, pour… « sauver les
apparences ».
Incroyable ! Cette expression que nous employons si
couramment, qui traite du comportement social, vient des sciences ! Sauver
les apparences, au fond, à l’origine, c’était sauver un système de pensée,
celui qui faisait que le Soleil tournait autour de la Terre !
Copernic était chiffonné par ce sauvetage des apparences.
Ses observations astronomiques lui laissent penser que les planètes tournent
autour du Soleil, il invente l’héliocentrisme. Mon autre découverte à la
lecture de ce livre est qu’il n’en n’a jamais apporté la preuve scientifique.
Non pas que le côté hérétique de sa théorie l’ait effrayé (quoi que…) mais
surtout… ses calculs ne collaient pas très bien avec l’observation. Il fut donc
obligé d’ajouter quelques artifices dans son système pour… sauver les
apparences, lui aussi !
Que sont les apparences : des moments du mouvement des
planètes dans notre ciel ou elles semblent repartir en arrière, au lieu d’aller
toujours dans le même sens. On sait aujourd’hui que cela est du à leur course
elliptique et non pas circulaire autour du Soleil. Si Copernic fut un grand
visionnaire, et un grand savant, il n’a pas pensé aux ellipses et a du
continuer à sauver ces apparences.
La prochaine fois que, en public, vous « sauverez les
apparences », par exemple que vous sourirez à tous vos amis alors que vous
venez de vous engueuler avec votre conjoint ou votre enfant, ou que vous
prétendrez adorer cette exposition à laquelle vous avez été invité et dont vous
vomissez le moindre objet, ayez une petite pensée pour les savants grecs, ou
polonais, qui ont tenté de sauver les apparences avant vous. Eux tentaient de
sauver un système. C’est peut-être un peu plus grand, même si l’obstination
n’est pas bonne conseillère en matière de sciences.
et pour Denis Guedj la mesure du mètre en Égypte par triangulation (le cheveu de Bérénice) par un savant dont le nom m'échappe... Ératosthène !
RépondreSupprimerJ'ai lu avec plaisir ce livre que tu nous as donné un jour.
RépondreSupprimerJ'ai eu de l 'intérêt pour le personnage, son cheminement, la description d'une époque, mais surtout, la libre et rapide circulation des êtres et des pensées à travers l'Europe m'a beaucoup étonnée.
Et puis, aussi, je ne pensais pas que l'empire Ottoman remontait si loin vers le nord.
Bref, grâce à la lecture, on en apprend à tout âge...
Et sûr, je n'utiliserai plus " sauver les apparences " à la légère...