en pleine lecture de ce vieux volume |
C’est à la suite d’une visite à Nantes et de sa maison,
surplombant la Loire, que j’ai eu envie de relire notre vieil ami Jules. Ma
fille m’a prêté un volume chiné chez un
bouquiniste. Une édition Hetzel, cette fameuse maison qui publia toute l’œuvre
de l’auteur, avec des couvertures magnifiques. Bon, là c’est l’édition économique,sans illustrations et avec une couverture très sobre… Il a été imprimé chez Louis Poupart-Davyl,
par ailleurs écrivain qui n’a pas laissé une grande trace dans l’histoire (lire ici).
Le volume qui est entre mes mains a appartenu à un P.
Bertho, coiffeur-parfumeur à St Etienne de Mont Luc, puis à Paul Maillard, qui
habitait Nantes. Les propriétaires suivants n’ont pas laissé de traces…sauf ma fille qui me l'a prêté.
Mais je m’égare. Si lire un livre d’occasion qui a en soi
une histoire est amusant, je voulais surtout vous faire part de mon étonnement
quant à deux points de détails du livre.
Jules Verne use beaucoup de l’adverbe très, toujours
suivi d’un tiret :
« Le docteur, d’après des calculs très-exacts,
trouva que … »
« Le commandant Pennet et ses officiers assistaient à
ce repas, qui fut très-animé et très-fourni en libations
flatteuses… »
Lisant beaucoup, c’est quand même la première fois que je
rencontre cette façon de l’écrire. De mon, côté je n’ai jamais mis de tiret.
Alors, est-ce une faute de ma part ? Voilà qui mérite une petite enquête…
Très vite ( !), je trouve cette mention dans le site Wiktionnaire : « Jusqu’à
la fin du XIXe siècle, l’usage
prépondérant est de lier l’adverbe à l’adjectif avec un trait d’union. »
Incroyable, car je ne crois pas avoir vu ce type trait d’union dans mes
lectures de Victor Hugo, Alexandre Dumas ou Émile Zola. Peut-être les éditeurs
modernes ont-ils enlevé ce tiret désuet ? Un examen d’une édition récente
d’un Jules Verne s’impose.
Dans ma bibliothèque se trouve une édition en livre de poche
de Voyage au centre de la terre. Imprimé en 1992. Bien loin du XIXe siècle. Et bien je
confirme, le tiret a disparu. Est-ce un bien ou un mal ? Je ne le sais
pas, mais je dois dire que ça me fait tout bizarre de lire un roman pas
tout-à-fait comme l’auteur l’a écrit.
Deuxième sujet d’étonnement : l’usage intensif du
point-virgule.
« Vous voyez, dit-il, que les travaux de ce savant sont
d’une extrême précision ; nous nous dirigeons tout droit sur le district
du Loggoum, et peut-être même sur Kernak, sa capitale ; c’est là que
mourut le pauvre Toole, âgé de vingt-deux ans : c’était un jeune anglais … »
«A la vue du Victoria, l’effet si souvent produit se
reproduisit encore : d’abord des cris, puis une stupéfaction
profonde ; les affaires furent abandonnées, les travaux suspendus ;
le bruit cessa ».
On sait que le point-virgule est en voie de disparition.
Mais qu’est-ce qu’un point virgule ? Sur le site la ponctuation.com, la définition
proposée est la suivante : « Le point-virgule marque une pause plus
importante que la virgule mais à la différence du point, la voix ne baisse pas
complètement entre les deux propositions. » L’usage de la phrase courte
menace sa présence dans les romans moderne, et je ne parle pas des articles de
presse !
Dans le cas de ce roman de Jules Verne, il est employé à la
perfection : dans les dialogues, il marque des pauses entre deux
propositions qui sont indépendantes au plan grammatical mais liées par le sens.
Cela permet de reproduire à l’écrit les respirations que l’on aurait à l’oral.
Dans des descriptions comme c’est le cas de la deuxième citation, le
point-virgule permet au lecteur de suivre une notion de chronologie rapide. Si
l’auteur avait utilisé des points, le résultat aurait été saccadé. S’il avait
opté pour la virgule, il aurait laissé penser que tous les événements se
produisaient de façon simultanée.
Vous l’aurez compris, j’aime bien le point-virgule, qui
permet d’exprimer ce qu’aucun autre signe de ponctuation autorise. Son emploi
peut paraître complexe, mais céder devant la difficulté, c’est un peu renoncer à
la beauté de notre langue. Si l’éphémère « comité de défense du point
virgule » a vite disparu du Net, l’article de BibliosObs à ce sujet
est motivant pour se mobiliser et continuer à user de ce signe de ponctuation
hybride.
Merci Jules pour avoir suscité des étonnements, et ces recherches...
J'aime beaucoup cette réflexion, très pertinente.
RépondreSupprimerJe ne connaissais pas l'histoire du tiret, qui, le pauvre, a perdu de sa personnalité au cours des temps.
Continue à t'interroger, pour le plaisir des lecteurs.